Pius Njawé : « La justice est instrumentalisée contre les journalistes »

Alors qu’un journaliste camerounais, Bibi Ngota, est décédé en détention à Yaoundé, le 22 avril, le débat sur la liberté de la presse est relancé dans ce pays. Pius Njawé, directeur de publication du quotidien « Le Messager », a organisé à Paris une conférence sur les rapports entre presse et justice au Cameroun. Il donne à jeuneafrique.com son point de vue sur l’affaire Bibi Ngota et, plus largement, sur les conditions de travail des journalistes indépendants.

Pius Njawé, directeur de publication du quotidien « Le Messager ». © Nicolas Eyidi pour J.A

Pius Njawé, directeur de publication du quotidien « Le Messager ». © Nicolas Eyidi pour J.A

Publié le 28 avril 2010 Lecture : 2 minutes.

La disparition de Germain Cyrille, surnommé Bibi Ngota, a jeté le trouble dans les rédactions camerounaises et chez tous les défenseurs des droits de l’homme. Décédé le 22 avril dernier dans une prison de Yaoundé, le directeur de Cameroun Express avait été placé en détention préventive le 10 mars, dans l’attente de son jugement dans une sombre affaire de faux et usage de faux. Une situation juridique qui scandalise Pius Njawé, pour qui « la loi n’autorise pas la détention préventive des journalistes ».

« C’est un mensonge »

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Depuis la mort de Bibi Ngota, la polémique n’a cessé d’enfler. Lundi 27 avril, une autopsie a eu lieu, vraisemblablement en catimini. La famille du journaliste affirme qu’elle n’y a pas assisté, alors que le porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary, a assuré que des « personnalités indépendantes et (…)  sa famille » étaient présentes.

« C’est un mensonge. Tout s’est passé à notre insu. Nous avons appris qu’une première autopsie a été faite vendredi et une seconde hier [lundi, NDLR] qui a confirmé les résultats de la première », s’emporte Bruno Ntede, le frère de Bibi Ngota.

Les causes de la mort du journaliste ne sont pas encore connues mais, selon sa mère, il souffrait d’hypertension et avait réclamé des soins peu avant sa mort. « Il m’a dit : ‘Maman, si je ne sors pas d’ici [infirmerie de la prison, NDLR] pour des soins, je vais mourir bientôt’. »

« Subtil durcissement »

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Bibi Ngota avait été écroué en même temps que deux autres journalistes, Serge Sabouang (La Nation) et Robert Mintsa (Le Devoir), pour « faux et usage de faux ». Les autorités les accusent d’avoir imité « la signature du secrétaire général de la présidence de la République sur des documents dont ils se servaient pour (lui) faire du chantage ». Bibi Ngota avait clamé son innocence dans une lettre du 19 avril.

Selon Pius Njawé, cette affaire est révélatrice de la situation des journalistes au Cameroun. Le fondateur du Messager dénonce une « instrumentalisation de la justice pour mettre les journalistes hors d’état de nuire, à un moment crucial de la vie politique nationale ». L’élection présidentielle, à laquelle l’actuel président Paul Biya pourrait se représenter, est prévue pour octobre 2011. Paul Biya a ordonné une enquête judiciaire qu’il souhaite «  transparente ».

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De son coté, la France a également demandé que la « lumière soit faite sur ce décès ». En écho à cette action, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé à New York, a demandé aux autorités de Yaoundé de garantir la sécurité de trois autres journalistes également emprisonnés. Le CPJ attire l’attention du gouvernement sur « les abus continus, notamment les allégations de torture par des agents de l’État, contre des journalistes indépendants ». « Il y a un durcissement assez subtil, témoigne Pius Njawé. L’armée ne saccage plus les rédactions. Mais ils créent la peur en nous. »

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