Michel Sidibé : « Il y a un risque énorme de prolifération pendant le Mondial »

Alors qu’il vient de lancer, le 25 avril en Afrique du Sud, la plus grande campagne de dépistage au monde, le Malien Michel Sidibé, patron de l’Onusida, revient pour jeuneafrique.com sur les risques liés à l’organisation de la Coupe du monde de football en matière de transmission du VIH. Et dresse un bilan de la lutte contre le virus dans le monde. Interview.

Le directeur exécutif de l’Onusida, Michel Sidibé. © D.R.

Le directeur exécutif de l’Onusida, Michel Sidibé. © D.R.

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 25 avril 2010 Lecture : 3 minutes.

Jeuneafrique.com : Vous avez lancé, le 25 avril, une campagne de dépistage du VIH/sida en Afrique du Sud. Quelle est son ampleur ?

Michel Sidibé : C’est tout simplement la plus grande campagne de dépistage au monde. Il s’agit de passer de 2 millions de personnes testées aujourd’hui à plus de 15 millions en 2011. Jamais dans l’histoire de la pandémie un pays n’avait eu l’ambition d’aller aussi loin, aussi vite. Cet objectif est atteignable grâce à l’action sociale du gouvernement sud-africain. Cette année, le budget de la lutte contre le sida mobilise un milliard de dollars, soit une augmentation de 30 % par rapport à 2009. Quant au budget alloué à l’éducation, il est en progression de 25 % !

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L’Afrique du Sud organise la Coupe du monde de football, qui a lieu du 11 juin au 11 juillet prochain. Y a-t-il un risque de prolifération du virus à cette occasion ?

Il y a en effet un risque énorme. L’Afrique du Sud, c’est 1 500 contaminations par jour. Un dicton dit : « Si tu veux tuer un serpent [le virus, NDLR], tu ne t’attaques pas à sa queue [l’endroit où il est le moins virulent, NDLR] ». C’est pour cela que nous aidons autant le gouvernement sud-africain à mettre en place des dispositifs de prévention. Le président Jacob Zuma veut distribuer un milliard de préservatifs pendant la compétition. Je suis sûr que c’est possible : il y a 20 jours, déjà 500 millions étaient disponibles. Et beaucoup de pays continuent à être sollicités.

Le Mondial, avec ses 3 milliards de téléspectateurs, c’est aussi l’occasion de sensibiliser le reste de la planète. Qu’avez-vous prévu ?

Nous allons demander à tous les capitaines des sélections présentes de signer une déclaration nommée « Carton rouge à la transmission ». Surtout, le capitaine de la Mannschaft, Michael Ballack, ainsi que l’ex-capitaine des Éperviers, Emmanuel Adebayor, seront nos deux ambassadeurs pour une grande campagne de prévention qui débutera lors du Mondial et s’appellera «  De Soweto à Rio », la ville organisatrice des J.O. de 2016.

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Lors du Mondial, vous aurez effectué 18 mois à la tête de l’Onusida. Quel bilan tirez-vous de votre action ?

Il est très positif. En terme de droits humains, d’abord. Beaucoup de pays qui interdisaient aux personnes vivant avec le virus de séjourner sur leur territoire ont revu leur position, comme la Chine par exemple, qui a également fait de gros progrès en matière de soins pour les utilisateurs de drogue. Dans ce dernier domaine, le Kirghizstan, l’Indonésie, la Corée du Sud, ont des actions importantes. Le combat contre l’homophobie a aussi connu des avancées, en Inde notamment. Enfin, le taux de couverture de prévention dans le domaine de la transmission mère-enfant est passé de 35 % à 45 %, ce qui est énorme.

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La crise financière ne va-t-elle pas remettre en cause ces avancées ?

C’est ma plus grande crainte. Le problème de la Grèce peut se reproduire ailleurs. Et si les États sont affaiblis, c’est tout le mécanisme de financement du Fonds mondial qui est remis en cause. Aujourd’hui, il y a 4,7 millions de personnes sous traitement contre le VIH/sida ; 96 % d’entre elles bénéficient de traitements de première ligne – dans les pays du Sud essentiellement – et 94 % sont soignées grâce à des financements extérieurs. C’est dire la fragilité du système. Nous espérons qu’au pire, cette année, les financements stagneront.

Quels sont vos objectifs pour 2010 ?

Nous voulons aller vers une diversification des sources de financement, qui sont trop liées à l’aide extérieure, comme en Afrique. Dans cette perspective, il est nécessaire de réaliser davantage d’économies, en faisant appel à la compétition du secteur privé notamment. Par ailleurs, nous avons quatre priorités de travail sur le terrain. Nous souhaitons développer la coopération avec les pays émergents comme la Chine, l’Inde et le Brésil, de manière à ce que nos rapports ne se limitent pas simplement à des transferts financiers, mais intègrent aussi le paramètre social. Deuxièmement, nous voulons renforcer la coopération Sud-Sud. Troisièmement, développer l’approche continentale avec, par exemple, la création d’une agence unique du médicament en Afrique. Et enfin, continuer à faire baisser la contamination mère-enfant. Aujourd’hui, un tiers des enfants contaminés meurent avant l’âge de un an. Or l’élimination totale de cette transmission est possible. L’exemple du Botswana le prouve.
 

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