Makmende, le buzz à la kenyane
On ne compte plus les stars, plus ou moins éphémères, qui ont démarré sur le net. Mais le Kenya crée l’événement avec Makmende. Cet étonnant justicier issu de l’imaginaire collectif alimente les chroniques… et le business.
Il n’était personne il y a encore quelques mois, le voici propulsé à la une de magazines masculins aussi renommés que GQ ou Esquire. Son portrait s’affiche même dans le supplément "Homme de l’année" du très select Time Magazine ! Certes, ce sont des contrefaçons… Mais que ses fans aient tenu à lui rendre hommage sous forme de photomontages témoigne de l’engouement dont il est l’objet. Qui donc ? Makmende, bien sûr ! La nouvelle coqueluche de Nairobi, dont la popularité a bien vite transcendé les frontières si perméables de la planète internet.
Makmende, c’est l’histoire d’un personnage de la culture populaire kenyane remis au goût du jour. C’est aussi le premier buzz de cette ampleur sur le continent africain. Tout est parti d’un clip, celui de la chanson Ha-He, interprétée par le groupe de funk-disco Just a Band. Ce court-métrage stylisé à la sauce seventies met en scène un héros un peu ridicule. Un justicier renfrogné et dégingandé, mi-cow-boy mi-karatéka, toujours prompt à défendre la veuve et l’orphelin. Celui qui incarne cette figure bien connue des jeunes Kenyans dans les années 1990 ? Un ami de Just a Band et acteur de comédies musicales, Kevin « K1 » Maina. Dès la sortie du clip, au mois de mars, la sauce prend et enflamme la Toile, qui voit dans le Makmende version 2010 un héros sympathique et décalé.
Chuck Norris pour grand frère
Depuis, ce chevalier moderne est sur tous les fronts. CNN lui consacre un sujet le 31 mars, plus de 13 000 fans l’acclament quotidiennement dans son groupe Facebook. Sa page Twitter comptabilise plusieurs centaines de fidèles et tous les bloggeurs influents que compte le Kenya lui dédient tour à tour un article.
Mais ce qui fait surtout la popularité de Makmende, c’est le petit jeu qui s’est instauré entre ses adorateurs. Il consiste à rédiger une courte phrase, gentiment moqueuse, faisant état de ses exploits imaginaires, sur le modèle des aphorismes ironiques autour de Chuck Norris. On connaissait : « Un jour, Chuck Norris a eu un zéro en latin, depuis c’est une langue morte », ou encore : « Quand Chuck Norris lance une pièce, elle fait toujours pile : personne ne fait face à Chuck Norris. » Désormais, le champion américain a son pendant kenyan. Douze mille messages à l’humour parfois incertain ont déjà été postés sur le site makmende.com. Florilège :
« Quand les moustiques dévorent Makmende, ce sont eux qui contractent le paludisme. »
« À l’école, c’est le professeur qui devait lever la main pour parler à Makmende. »
« Makmende a déjà compté jusqu’à l’infini. Deux fois. »
L’humour comme fond de commerce
Un personnage qui « parle » aux jeunes, donc… et qui profite du développement des nouvelles technologies au Kenya. Dans le pays, les réseaux de communication se sont considérablement renforcés ces dernières années. Au dernier trimestre 2009, on recensait deux millions d’abonnés à internet – un chiffre en hausse de 6,2 % par rapport au trimestre précédent. A Nairobi, la capitale, les cybercafés ont poussé comme des champignons. Les bloggeurs locaux sont particulièrement actifs sur la Toile et près de 640 000 Kenyans sont connectés à Facebook.
Plongé dans la Toile, happé par les fans, Makmende a donc fini par échapper à Just a Band. Sa légende appartient désormais au net. Le groupe de musique clarifie d’ailleurs la situation en expliquant que, s’il a profité de cet engouement, il n’est pas à l’origine de makmende.com, et qu’il n’exploite pas commercialement l’image du personnage. Kevin « K1 » Maina fait même très peu d’apparitions sous les traits du héros. Les grands gagnants sont finalement les « repreneurs » du concept : makmende.com propose désormais d’imprimer « les petites phrases » sur des T-shirts en vente en ligne… Makmende ne fait pas de business, c’est le business qui a fait Makmende.
Le clip de Just a Band :
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