La guerre des religions n’aura pas lieu

Christianisme et islam cohabitent pacifiquement dans de nombreux pays, comme le révèle une vaste enquête sur les monothéismes en Afrique. De quoi contredire certaines idées reçues et une actualité parfois violente, notamment au Nigeria.

La grande mosquée de Lagos et la cathédrale Notre-Dame-des-Victoires, à Dakar. © AFP/montage jeuneafrique.com

La grande mosquée de Lagos et la cathédrale Notre-Dame-des-Victoires, à Dakar. © AFP/montage jeuneafrique.com

Publié le 15 avril 2010 Lecture : 2 minutes.

L’Afrique, berceau de l’humanité et de la tolérance religieuse ? La vaste étude que le centre américain Pew Research Center (PRC) a publiée, jeudi 14 avril, est pleine d’enseignements et de (bonnes) surprises. Elle se fonde sur une enquête exceptionnelle, qui constitue sans doute une première par son ampleur. Entre décembre 2008 et avril 2009, 25 000 Africains parlant 60 langues ont été interrogés à travers 19 pays. Et la conclusion des chercheurs est plutôt optimiste.

Si le continent est l’un des plus religieux au monde – il accueille désormais autant de musulmans que de chrétiens, les deux religions s’équilibrant avec 400 à 500 millions de fidèles chacune –, il serait surtout l’un de ceux où les rapports entre les deux communautés seraient les moins problématiques. « Une chose surprenante dans l’étude a été de voir le grand degré de tolérance que les Africains, musulmans ou chrétiens, ont les uns vis-à-vis des autres », explique le directeur du PRC, Luis Lugo. « Ni le christianisme, ni l’islam ne progressent en Afrique subsaharienne aux dépends de l’une ou l’autre religion », affirme le rapport.

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Éviter l’angélisme

« Il y a une vaste majorité qui, dans l’ensemble, voit l’autre religion d’un œil favorable », ajoute M. Lugo. Une majorité de personnes interrogées pensent ainsi que la religion ne justifie pas les violences contre des populations civiles. Mais une minorité assez représentative (20 %), et dans plusieurs pays, estime en revanche que la violence peut « souvent » être justifiée par la religion. Mieux vaut, donc, ne pas se laisser gagner par l’angélisme.

« Il ne faut pas rosir la situation, explique Lugo. Certains chrétiens et musulmans nous disent que les conflits religieux sont un grave problème dans leur pays mais souvent pas aussi important que le chômage, le crime ou la corruption ». C’est notamment le cas au Nigeria pour 6 personnes sur 10. Et, à la frontière soudanaise du Tchad, dans une région proche du Darfour où sévit une guerre civile, 70 % des chrétiens voient les musulmans comme violents contre seulement 16 % des musulmans considérant les chrétiens de la même façon.

Un chrétien sur cinq et un musulman sur sept est africain

Les chercheurs ont conclu que l’Afrique avait connu « une transformation religieuse remarquable en très peu de temps », mais en conservant parallèlement ses pratiques liées à des croyances traditionnelles, tant chez les musulmans que les chrétiens. Bien sûr, deux zones se dessinent nettement : un Nord plus musulman et un Sud largement chrétien se « rencontrant » sur une ligne bien précise qui s’étend du Sénégal à la Somalie. « Aux yeux de certains experts, cette zone est une faille religieuse sensible, où sont intervenues les premières attaques d’Al Qaïda comme l’explosion des ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie en 1998, et plus récemment les conflits ethniques du Nigeria », indique le rapport du Pew Center.

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C’est en Afrique subsaharienne que les statistiques sont les plus frappantes : en près de cent ans, la croissance du nombre de musulmans et de chrétiens y a été multipliée par 20. Les chrétiens sont aujourd’hui 470 millions à vivre en Afrique subsaharienne, contre 7 millions en 1900, tandis que les musulmans sont, dans le même temps, passés de 11 à 234 millions. Désormais, un chrétien sur cinq et un musulman sur sept dans le monde est africain.

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