Internet ou la deuxième vie d’Habib Bourguiba
Voici dix ans que Habib Bourguiba s’est éteint. Pourtant, l’ancien président tunisien (1957-1987) demeure très présent sur le web, où de nombreux sites et pages lui sont consacrés. Revue de détail d’une deuxième vie virtuelle.
Que reste-t-il de Bourguiba ?
Internet n’a pas attendu le dixième anniversaire de son décès, le 6 avril 2000, pour célébrer le souvenir de l’ancien président tunisien. Sur le moteur de recherche Google, « Habib Bourguiba » renvoie vers pas moins de 209 000 résultats.
Nombreux sont les « fans » ou les détracteurs de Bourguiba à avoir rédigé un article, une biographie ou un hommage. Même sur Facebook, on trouve une page où ses admirateurs sont plus de 54 000 à s’être rassemblés. Là encore, le profil principal d’Hassan II, le roi du Maroc décédé en 1999 après 38 années de règne, ne comptabilise qu’une dizaine de milliers d’aficionados. Pourtant, à la mort du président Bourguiba en 2000, les « réseaux sociaux » n’étaient même pas nés !
« Prendre rendez-vous avec l’Histoire »
Le fils de Bourguiba, « Bibi » (décédé en 2009), a laissé à ses proches la responsabilité de l’e-reputation patriarcale : sa famille est à l’origine du site officiel « Président Habib Bourguiba » (www.bourguiba.com), administré depuis Londres. On y trouve pléthore de documents, privés comme publics, et parfois même inédits. Les grandes allocutions de l’homme d’Etat sont disponibles en téléchargement ou à l’écoute en ligne, comme son fameux discours de Jéricho sur le colonialisme et la Palestine, en 1965.
Le but de cette immense bibliothèque virtuelle est de perpétuer l’héritage politique de Bourguiba, en « reconnaissance à l’œuvre monumentale entreprise pour l’édification d’une Tunisie libre et moderne », comme le revendique la page d’accueil du site.
Des vidéos, de nombreux clichés pris en famille ou à l’occasion de rencontres diplomatiques, sont classés par périodes. Le portail recense les ouvrages consacrés au président et met en avant quelques citations de grands hommes à son propos. Avec, en tête, un vibrant hommage du général de Gaulle : « Ce Bourguiba a ceci de commun avec moi : le courage de prendre rendez-vous avec l’Histoire ! ».
Dossiers confidentiels
Si vous voulez en savoir davantage, un proche collaborateur de Bourguiba s’est attelé à un véritable travail de fourmi. Rattaché à l’ambassade de Tunisie en France de 1960 à 1961 puis ministre de l’Intérieur (1973-1977) et de l’Information (1980-1983), Tahar Belkhodja a mis en place en 1999 un vaste portail documentaire, www.bourguiba.net. Avec l’Association du souvenir du président Bourguiba dont il est membre, et avec l’aide de l’ancien ambassadeur français en Tunisie Pierre Hunt, Belkhodja a d’abord utilisé le site pour répertorier tous les ouvrages ayant trait à l’oeuvre du président tunisien.
Puis, il y a deux ans, son projet est devenu plus ambitieux. Pour avoir étroitement travaillé avec le chef de l’Etat pendant des années, il a longtemps eu accès à des documents officiels, parfois confidentiels. Une mine d’informations pour mieux comprendre l’homme, mais aussi l’époque. Quand il a jugé pouvoir lever le « secret-défense » sur ces dossiers, il a entrepris de les rendre publics. Depuis, « bourguiba.net » regorge de discours, de notes, de rapports internes datant de l’époque de la présidence.
Tahar Belkhodja fournit 90% du contenu du site. Régulièrement, il exhume des fichiers qu’il fait numériser avant de les transmettre à la société parisienne en charge de l’administration du site, A6tech. « Il s’agit soit de coupures de presse, soit de documents originaux, dont certains datent de presque cinquante ans », explique-t-on au sein de la société. Selon les statistiques de 2010, entre 600 et 1 000 internautes consultent le site chaque mois.
Protéger le patronyme
Les connexions proviennent en grande majorité de France (88%), puis des Etats-Unis (7%), et enfin de Tunisie (2%). Pour autant, le nombre réel de Tunisiens à s’y connecter est très difficile à évaluer. Il est en effet impossible de savoir qui, parmi les internautes, représente la diaspora tunisienne à l’étranger.
Enfin, en poussant la recherche un peu plus loin, il apparaît que le potentiel de la « marque » Bourguiba reste sous-exploité sur le web. Plusieurs noms de domaines contenant le terme « Bourguiba » ont été achetés… par la famille de l’ancien président elle-même. Ainsi, « bourguiba.org », « bourguiba.info » et « bourguiba.biz » sont désormais inutilisables. Aucune page n’est attachée à ces adresses, mais les petits-enfants Bourguiba ont préféré garder leur mainmise dessus. Pour éviter toute récupération et protéger ainsi leur patronyme, ou pour créer, un jour peut-être, un nouveau portail dédié à leur aïeul ? Quoi qu’il en soit, le nom de domaine « bourguiba.tn » est toujours disponible. Avis aux amateurs…
Retrouver notre dossier "Que reste-t-il de Bourguiba ?" dans le numéro 2569 de Jeune Afrique, en kiosques du 4 au 11 avril.
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Que reste-t-il de Bourguiba ?
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