Les nouvelles ambitions politiques de l’OIF

Le 20 mars, Journée de la Francophonie, le président français Nicolas Sarkozy a reçu Abdou Diouf et les représentants de la communauté francophone de Paris à l’Élysée. Une manière de fêter dignement l’Organisation désormais quadragénaire, alors que l’inauguration du nouveau siège de l’OIF a été annulée à J–8 car les travaux et aménagements intérieurs n’étaient pas assez avancés.

Abdou Diouf lors de son discours © Service audiovisuel Elysee.fr – L. Blevennec

Abdou Diouf lors de son discours © Service audiovisuel Elysee.fr – L. Blevennec

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Publié le 21 mars 2010 Lecture : 3 minutes.

Après les salutations d’usage et passages obligés sur la grandeur de la langue française, c’est en parlant de la prochaine inauguration du siège de l’OIF, la Maison de la Francophonie, que le président Sarkozy s’est lancé dans une improvisation, certes préméditée mais en forme de tacle à l’égard de ses prédécesseurs : « Honnêtement, je suis ravi qu’on y arrive. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi on a mis autant de temps pour y arriver. On me dit : ‘C’est compliqué’… Non, non, non ! Peut-être que la décision l’était, mais une fois qu’on a décidé, si l’on n’est pas capable de bâtir une Maison de la Francophonie, à Paris, ce n’est pas la peine d’égrainer de long discours sur l’importance de la Francophonie. » Vague de rires étouffés au sein du parterre de 600 invités.

Et Nicolas sarkozy de poursuivre en se tournant vers Jean-Pierre Raffarin, dont il a fait son représentant au Conseil permanent de la Francophonie toujours hors discours écrit – pour souligner qu’investir un ancien Premier ministre de cette mission est une preuve de ses ambitions pour la famille francophone : « La Francophonie, ce n’est pas une tradition, du genre ça fait bien, on se rencontre, on se congratule, on déborde d’affection et, à peine quittés, on s’oublie. Il faut savoir si c’est un rite ou une vraie volonté. Si c’est un réflexe qui s’émoussera avec le temps ou si c’est un choix politique. C’est un choix politique. » Salve d’applaudissements.

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« La faiblesse de la francophonie est qu’elle est la seule à ignorer sa force. »
Étrange paradoxe, aujourd’hui, un membre sur trois du Conseil de sécurité de l’ONU est membre ou observateur de l’OIF, il y a 200 millions de francophones à travers le monde et, alors que leur nombre est en augmentation, certains francophones, en particulier français, parlent d’une langue en danger. « La faiblesse de la francophonie est qu’elle semble la seule à ignorer sa force. C’est une espèce de complexe, hors des réalités… encore faut-il que les diplomates français y croient », reproche un Nicolas Sarkozy toujours en mode improvisation, moquant le snobisme de ceux qui s’échinent à parler – mal – l’anglais alors qu’ils représentent la francophonie. L’occasion tout de même, pour le président français, de rappeler que le monolinguisme est un « appauvrissement culturel », qu’il n’en faut pas moins défendre les autres langues ni les autres cultures. Et d’annoncer, en signe d’entente cordiale, qu’il allait inviter le Premier ministre britannique, Gordon Brown, au prochain Sommet France-Afrique (qui se tiendra du 24 au 31 mai, à Nice).

«Abdou Diouf : « Nous avons une partition originale à jouer »
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Sur un plan plus diplomatique que linguistique cette fois-ci, Abdou Diouf, dans son discours introductif, a souligné que la démarche engagée depuis 40 ans n’aurait servi à rien si elle ne faisait pas aujourd’hui entendre sa voix « alors même que la communauté internationale peine à décliner les termes d’un ordre rénové, alors même que quelques-uns ont le monopole des décisions qui engagent l’avenir de tous. » Pour le secrétaire général, l’OIF « a une partition originale à jouer dans la conception et la mise en œuvre de nouvelles régulations pour une gouvernance politique plus démocratique, pour une gouvernance économique plus équitable et pétrie d’éthique, pour une gouvernance culturelle véritablement assumée au service de l’égale dignité de toutes et de tous partout, au service de la paix. »

Visiblement sur la même longueur d’ondes, Nicolas Sarkozy lui fait écho en concluant que « l’OIF doit porter des combats politiques et nous devrons en parler lors du sommet de Montreux, en octobre. L’OIF rassemble des pays du Nord et du Sud, de l’Orient et de l’Occident : à quoi cela servirait-il d’avoir des valeurs communes si nous ne les transformions pas en prises de position politiques (…) L’OIF a des choses à dire sur la gouvernance mondiale. Elle doit porter une exigence de réflexion sur la gouvernance de l’ONU. L’OIF ne peut accepter, elle ne peut pas accepter, qu’il n’y ait aucun pays africain, francophone ou non, qui soit membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. » Applaudissements nourris. « C’est un enjeu politique majeur et la Francophonie est dans son rôle en portant ce combat (…) Imaginer régler les grandes affaires du monde en en excluant plus d’un milliard d’habitants, ça n’a pas de sens. »

Enfin, parlant des valeurs et idéaux qu’incarnent et véhiculent la francophonie, le chef de l’État français s’est en particulier adressé aux quelque 80 personnalités et artistes de la communauté haïtienne en France présents, auxquels il a confirmé que la France apporterait « une aide considérable » au pays. L’OIF devrait être présente lors de la conférence internationale des pays donateurs, le 31 mars prochain, à New York.

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