Pas d’eau, mais plein d’idées
Développer cultures et élevage sur un territoire désertique et exigu ? Ce n’est pas évident. On expérimente donc des méthodes… tout en cherchant à ménager les nappes phréatiques.
Djibouti : grandes manoeuvres
Les montagnes de fruits et légumes qui tombent en cascade sur les étals du marché de Djibouti feraient presque oublier les problèmes d’insécurité alimentaire qui frappent de manière récurrente le pays. Tout le monde se souvient de la crise de 2004 à 2008, qui a directement affecté plus d’un tiers de la population, tandis que 20 % des Djiboutiens souffraient de malnutrition aiguë, selon les critères du Programme alimentaire mondial (PAM). Aujourd’hui encore, la situation est très tendue. La contribution du secteur agricole au PIB ne dépasse toujours pas les 3 %, et le pays reste extrêmement vulnérable aux variations du prix des denrées sur les marchés internationaux.
Pénalisée par le manque de ressources en eau, par la salinité des sols et par les traditions pastorales des populations rurales, l’agriculture ne couvre que 10 % des besoins alimentaires du pays. « Pour arroser efficacement les 10 000 ha de terres arables, il faudrait environ 100 millions de mètres cubes d’eau chaque année, or nous ne disposons que du quart », calcule Saïd Mohamed Baragoita, coordonnateur de projets au sein du ministère de l’Agriculture. Avec l’aide de la Banque africaine de développement (BAD) et du Fonds international de développement agricole (Fida), le gouvernement a donc élaboré une « stratégie d’urgence ». Le pays peut s’appuyer sur ses voisins, comme l’Éthiopie, avec qui il a signé un accord bilatéral, en janvier, afin de tirer un pipeline vers la côte et de fournir 100 000 m³ d’eau par an dès 2014.
Ferme pilote
Djibouti dispose également, depuis 2008, de 4 200 ha au Soudan, auxquels se sont ajoutés un an plus tard 5 000 ha dans le sud-est de l’Éthiopie. Si les terres éthiopiennes sont assez fertiles pour fournir une récolte de plus de 5 000 tonnes de blé chaque année, celles du Soudan ne permettent pas pour l’instant de cultiver autre chose que du sorgho et du tournesol. « Nous sommes en discussion avec Khartoum pour récupérer des terres plus proches du Nil, mieux adaptées à la culture irriguée », indique Saïd Mohamed Baragoita, qui souligne néanmoins l’effet bénéfique de ces cultures extérieures « en matière de régulation des prix sur le marché intérieur ».
L’effort des pouvoirs publics porte également sur l’amélioration des rendements agricoles à Djibouti même, ne serait-ce que pour limiter les volumes importés. Une ferme pilote de 5 ha a vu le jour à Damerjog, entre la capitale et la Somalie, afin d’introduire de nouvelles méthodes de production comme les cultures sous serre ou l’irrigation en goutte à goutte, tout en assurant la commercialisation de fruits et légumes de qualité en ville. Une fois maîtrisées, ces nouvelles techniques seront déployées à l’intérieur du pays, avec un double objectif : créer des emplois et approvisionner les marchés locaux.
Pompage
Dans le même temps, le pays poursuit la mise en oeuvre du programme palmier dattier, piloté depuis 2006 par le Centre d’études et de recherches de Djibouti. Plus de 20 000 palmiers importés d’Arabie saoudite ont été distribués à travers le pays, après avoir été cultivés in vitro pendant trois ans. En plus de produire entre 60 et 80 kg de dat tes à l’année, l’arbre doit favoriser le développement de cultures vivrières à l’ombre de ses palmes. « C’est l’un des maillons essentiels dans la grande chaîne de la récolte de l’eau », explique Saïd Mohamed Baragoita.
L’un des axes principaux de cette quête reste la valorisation des nappes souterraines, qui pourraient fournir 40 000 m³ par jour. Mais sur les 70 stations de pompage installées, « seules 30 % fonctionnent vraiment », précise le conseiller du ministère. Les espoirs portent donc davantage sur la récupération des eaux de ruissellement par l’édification de retenues et de minibarrages d’une part, par l’installation de citernes enterrées d’autre part. En plus des millions de mètres cubes ainsi réutilisables chaque année, ce réseau de collecte des eaux de pluie permettrait de développer les cultures fourragères et de sédentariser les populations nomades autour de nouveaux pâturages gagnés sur le désert.
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