La carte de la franchise
Depuis dix ans, Djibouti attire les investissements en provenance des pays du Golfe et d’Asie. De quoi dynamiser de nouveaux secteurs de l’économie.
Djibouti : grandes manoeuvres
Alors que le pays a longtemps dû financer son développement grâce aux dons et autres prêts à taux préférentiels, l’afflux massif d’investissements privés durant la dernière décennie a considérablement changé ses perspectives économiques. L’accord de partenariat signé au début des années 2000 avec Dubaï – et qui s’est concrétisé par l’injection de près de 800 millions de dollars (environ 600 millions d’euros) dans les secteurs des transports, de la logistique, du tourisme et du logement – « a fait entrer Djibouti dans une nouvelle dimension », estime Ahmed Hamid Al Deib, directeur général de la filiale locale de la banque yéménite CAC International Bank. Et a activé la pompe des investissements étrangers. Depuis cette date, en effet, Djibouti attire les capitaux en provenance des monarchies du Golfe, de Chine, de Turquie, du Brésil, d’Inde, de Malaisie et d’ailleurs pour financer les multiples projets à caractère sous-régional qui doivent faire du pays « la porte d’entrée de l’Afrique de l’Est », selon la formule employée à Londres, le 8 mai, par Ilyas Dawaleh, ministre de l’Économie et des Finances, devant un parterre d’investisseurs britanniques.
De retour quelques jours plus tard dans son bureau de la capitale, le grand argentier confirme : « Beaucoup de monde s’intéresse à nous. » Au point de faire craindre au petit peuple djiboutien une véritable OPA étrangère sur son pays.
VIGUEUR
Quoi qu’il en soit, les investissements directs étrangers (IDE) ont retrouvé toute leur vigueur, après une période d’affaiblissement due au report de certains dossiers consécutif à la crise financière mondiale de 2008. Pour les experts du ministère, les IDE tirent même aujourd’hui la croissance du pays qui, si le rythme actuel se maintient, pourrait bien passer à deux chiffres d’ici à 2020. L’an passé, ils ont représenté 27,2 % du PIB, contre 24,6 % en 2011, d’après les statistiques de la Banque centrale de Djibouti. Le stock d’IDE a même atteint 988 millions de dollars en 2012, alors qu’il était inférieur à 15 millions entre 2001 et 2005.
La proximité de l’Éthiopie enclavée, quatrième économie d’Afrique malgré ses immenses besoins en infrastructures, dope les investissements chez son voisin, qui abrite le port le plus moderne de toute la côte est-africaine. « Disposer d’un tel équipement est une véritable chance pour le pays », mesure Ilyas Dawaleh, qui redoute néanmoins une prépondérance trop grande d’un secteur portuaire censé recevoir près de 6 milliards de dollars d’investissements supplémentaires dans les trois ans à venir. « Il y a urgence à trouver d’autres sources de croissance », insiste le ministre. En plus du secteur des transports et de la logistique, déjà incontournable, le gouvernement veut asseoir son pays sur trois autres piliers : le tourisme, les technologies de l’information et de la communication, la pêche et l’aquaculture.
ATTENTES
Pour capter les IDE dont il a besoin, Djibouti bénéficie d’un certain nombre d’atouts, pas seulement géographiques. « Le pays peut compter sur sa stabilité politique, exceptionnelle dans la région, sur la parité fixe entre le franc et le dollar et sur un code des investissements favorable qui peut s’appuyer sur la seule zone franche de la région pour proposer une politique fiscale incitative », résume Mahdi Darar Obsieh, directeur général de l’Agence nationale pour la promotion des investissements. Lancée par les Français dans les années 1970 et redynamisée en 2004 par l’arrivée des Dubaïotes, la Djibouti Free Zone affiche aujourd’hui complet, avec 168 sociétés venant d’une quarantaine de pays. Plus de 30 compagnies supplémentaires attendent déjà l’ouverture de la deuxième zone franche, prévue en 2014, pour un coût de 50 millions de dollars.
L’évidence du succès n’a pourtant pas suffi à convaincre la Banque mondiale qui, l’an dernier, pour la deuxième année consécutive, classe Djibouti à la 171e place (sur 185) de son rapport « Doing Business ». En cause, selon l’institution : la difficulté à acquérir des terres et des crédits, un cadre juridique insuffisamment protecteur pour les investissements et, surtout, un guichet unique qui n’en est pas vraiment un, même si créer son entreprise prend aujourd’hui « moins de trois jours », d’après Mahdi Darar Obsieh. « Nous savons ce que nous avons à faire pour répondre aux attentes des investisseurs », assure Ilyas Dawaleh. Reste à le faire savoir.
Questions à : Fu Huaqiang, ambassadeur de Chine à Djibouti
Jeune Afrique : Quels sont les secteurs les plus intéressants pour les investisseurs chinois à Djibouti ?
FU HUAQIANG : La Chine oeuvre pour un développement partagé, et ses entreprises investissent de préférence dans les secteurs assurant le développement social et économique du pays, à commencer par les infrastructures, le transport, les télécoms, l’hydraulique et l’électricité. Sur le secteur portuaire, qui constitue l’un des piliers de l’économie locale, China Merchants Holdings vient d’entrer au capital du port, tandis que la construction du quai du Goubet a été confiée à un opérateur chinois. Nous participons aussi à divers projets d’adduction d’eau et sommes présents sur le dossier de la future centrale géothermique. La première commission mixte sino-djiboutienne s’est réunie début mai pour signer un accord global de coopération économique, commerciale et technique.
Sous quelles formes la Chine aide-t-elle financièrement le pays ?
La plupart de nos programmes d’assistance sont réalisés sous forme de dons, sans aucune condition politique. Nous avons déjà construit ces dernières années de nombreux bâtiments et équipements publics dans la capitale et ses environs, et nous avons encore de nombreux projets, tous financés sous forme de dons. Nous accordons également chaque année davantage de bourses aux étudiants djiboutiens. L’augmentation des prêts à taux préférentiels donne ces derniers temps un nouveau poids à la coopération bilatérale. La construction du port du Goubet, qui a commencé en avril, en est le meilleur exemple. Pékin encourage les entreprises chinoises à investir et à s’implanter à Djibouti. Nous entendons aussi explorer de nouvelles voies de coopération avec les responsables du pays pour promouvoir l’investissement.
Que doit faire Djibouti pour attirer davantage d’investisseurs étrangers, en particulier chinois ?
Le développement de la Chine prouve que, pour séduire les investisseurs étrangers, il faut améliorer les infrastructures, créer un environnement favorable aux affaires, développer l’éducation et la formation professionnelle. Tous ces points font déjà l’objet d’une attention particulière de la part du président Guelleh et de son gouvernement.
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