La vie héroïque de Waris Dirie

Aujourd’hui ambassadrice de l’ONU contre les mutilations génitales féminines, cette ancienne top model somalienne a été excisée à l’âge de cinq ans. « Fleur du désert », son livre auto-biographique vendu à 11 millions d’exemplaires dans le monde a été adapté à l’écran. Le film sort mercredi 10 mars dans les salles françaises. Portrait.

Waris Dirie, ambassadrice de l’ONU contre les mutilations génitales féminines © U.N.

Waris Dirie, ambassadrice de l’ONU contre les mutilations génitales féminines © U.N.

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 9 mars 2010 Lecture : 3 minutes.

Waris Dirie est une fleur qui ne fane pas. Rien ne semble altérer l’énergie de cette Somalienne devenue dans les années 1990 l’un des mannequins noirs les plus célèbres du monde. Ni le temps ni les blessures de la vie n’auront eu raison de cette ancienne gardienne de chèvre du désert somalien excisée à l’âge de cinq ans par une vieille femme au rasoir cassé. Une mutilation traditionnelle qui a failli l’emporter et qui touche encore, au total, 130 millions de femmes dont 90 millions sur le continent. Dans le monde, près de 6 000 fillettes par jour sont victimes de ce que Waris Dirie qualifie de « rituel obscurantiste ». Beaucoup n’y survivent pas, comme sa propre sœur qui s’est vidée de son sang sans qu’on puisse la sauver.

Physique de rêve
De jeune-fille blessée, Waris Dirie est devenue une femme révoltée. « Le jour où j’ai été mutilée, je me suis fait une promesse. Si je n’y reste pas, je me battrai toute ma vie pour que cette pratique disparaisse », se souvient-elle. A 13 ans, elle refuse d’épouser un homme de 65 ans, fuit sa famille nomade pour se réfugier chez sa grand-mère à Mogadiscio, après une traversée du désert qui dure plusieurs jours. Puis elle devient bonne à tout faire chez un oncle ambassadeur de Somalie à Londres. Pas de salaires, pas de congés. Esclave des temps modernes. Elle refuse d’accompagner sa famille quand celle-ci revient vivre en Somalie – en pleine guerre civile, le pays se retrouve sans gouvernement. « J’étais désespérée, je n’avais personne, pas de passeport, pas de visa, pas d’endroit où vivre, pas d’amis, pas de famille, pas d’argent. Je n’avais rien », confie-t-elle.

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En réalité, la nature lui a tout de même donné deux atouts : une volonté hors du commun et un physique de rêve. Front vertigineux, port altier, nez rectiligne. Sa beauté insolente lui vaut d’être repérée à Londres par un photographe de mode alors qu’elle lessive le sol d’un fast-food. Après des années de fuite, la chance. Enfin.

Londres, Paris, Milan, New-York… Waris Dirie fréquente et vit dans toutes les capitales mondiales de la mode à partir de 1983. Un tourbillon qui ne la détourne pas de son objectif. « J’ai beaucoup voyagé, j’ai vu les plus beaux endroits du monde, j’ai gagné de l’argent. En fait, j’ai utilisé ce milieu, je n’avais pas le choix », dit-elle. En 1997, le masque hiératique tombe. Dans une interview à Marie-Claire US, elle dévoile ses blessures et son parcours. Fini les podiums, le strass, le glamour. Retour à la réalité. Dur combat qui, en fait, n’a jamais cessé de l’habiter.

« Crime abominable »
Le livre qu’elle publie la même année, « Fleur du désert », revient sur son parcours. Un conte de fée, au fond, qui n’en est pas vraiment un. Comment oublier les années de douleur, les cicatrices, le fait qu’elle ne connaîtra jamais une sexualité normale malgré une chirurgie réparatrice ? Le film adapté de son livre sort en France mercredi 10 mars, deux jours après le centenaire de la Journée internationale des droits des femmes. Réalisé par la Germano-américaine Sherry Hormann, il a déjà fait 1,5 million d’entrées fin 2009 en Allemagne. C’est un autre top model, l’Ethiopienne Liya Kebede, qui incarne Waris Dirie.

Aujourd’hui, celle-ci a deux enfants et vit en Pologne. Elle est ambassadrice de l’ONU contre les mutilations génitales féminines et membre du conseil d’administration de la Fondation pour la dignité et les droits des femmes mise sur pied par le milliardaire français François-Henri Pinault. L’excision est au coeur de sa vie, même si elle préfère ne plus parler d’elle. "Vous serez choqués d’apprendre combien de pays dans le monde pratiquent ce crime abominable sans que personne le sache: l’Irak, l’Arabie, le Kurdistan, l’Inde, l’Asie musulmane", dit-elle. A 45 ans, Waris Dirie n’a jamais été aussi forte. Le combat continue.
 

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