Les forces de l’ordre saisissent les documents électoraux de l’opposition

Les autorités ont investi des locaux de l’union des forces de changement (UFC) mardi, où elles ont procédé à onze interpellations et plusieurs saisies d’ordinateur. L’opposition accuse le pouvoir d’avoir fait disparaître des preuves de la fraude électorale, en brûlant notamment les 6 300 procès verbaux de bureaux de vote qu’elle avait recueillis. L’Union africaine a de son côté confirmé l’élection du président sortant Faure Gnassingbé et appelé à la réconciliation.

Les forces de l’ordre dispersent des manifestants dans les rues de Lomé le 7 mars © AFP

Les forces de l’ordre dispersent des manifestants dans les rues de Lomé le 7 mars © AFP

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Publié le 10 mars 2010 Lecture : 4 minutes.

Mis à jour le mercredi 10 mars à 10h13

Des agents du Services des renseignements et des investigations (SRI), cagoulés et appuyés par des gendarmes armés et casqués ont emporté mardi tout le matériel informatique et procès verbaux récoltés par l’union des forces de changement (UFC) lors de l’élection présidentielle du 4 Mars dernier, qui a donné la victoire au président sortant Faure Gnassingbé.

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« Comment peut-on empêcher un parti de recenser ses résultats? Ils nous empêchent de produire les vrais résultats. On a voulu les mettre à l’abri, loin des regards, mais ils ont tout emporté, et on a plus de procès verbaux », se désole le candidat de l’UFC Jean-Pierre Fabre, qui comptait confronter ses données avec celles rendues public par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) le 6 Mars dernier.

Le centre de traitement de donnés de l’UFC était installé dans un local de l’Eglise des Saints Martyrs de l’Ouganda, à Lomé. Dans leur descente, les forces de l’ordre ont interpellé sept agents qui travaillaient sur les ordinateurs et quatre cadres du parti. « Pour le moment, nous ne pouvons pas dire qu’ils [l’UFC, NDLR] sont dans l’illégalité », reconnait le chef de l’operation de la SRI, le capitaine Ayéwolagné Akakpo, qui justifie la saisie des documents par la volonté d’effectuer "une authentification" des documents saisis.

« Nous sommes dans une logique politique, et non dans une logique juridique et judiciaire. Nous n’avons pas saisi la cours constitutionnelle. Nous l’avons saisie par le passé, et nous avons vu le traitement qu’elle a réservé à nos requêtes », a expliqué M. Fabre pour justifier son refus d’avoir recours à la cours constitutionnelle.

La descente s’est faite sous les regards de Mgr Nicodème Barrigah, président de la Commission vérité, justice et réconciliation. « Est-ce que la présence d’un ecclésiastique au cours d’une opération illégale rend cette opération légale? » se demande Jean-Pierre Fabre, qui entend mobiliser tous les moyens pour revendiquer sa "victoire", en appellant notamment à une nouvelle manifestation samedi prochain.

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"Ils ont brûlé 6300 PV"

Les cadres de l’UFC ne décolèrent pas. "Les forces de l’ordre ont attaqué notre centre de traitement informatique pour prendre nos données puisque nous avions dit que nous allions communiquer dans les 24 ou 48 heures les preuves de fraudes dont nous disposions", a affirmé le secrétaire national à la communication de l’UFC, Eric Dupuy.  "Ils veulent ainsi nous empêcher de prouver que la victoire de Faure Gnassingbé est bâtie sur des fraudes avérées".

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"Ils ont brûlé les 6 300 PV électoraux que nos militants nous avaient apportés, a ajouté Kofi Yamgnane dans une interview au quotidien français Le Parisien. Cela démontre qu’ils n’ont pas la conscience tranquille et que c’est bien nous qui avons gagné ces élections. Ces documents étaient le seul moyen pour nous de faire un recours et de prouver la fraude…"

Le commandat de la Fosep, le colonel Yark Damehame n’a pas nié l’intervention de ses hommes affirmant qu’il s’agissait d’empêcher "la manipulation de résultats". "C’est suspect ce qu’ils sont en train de faire", a-t-il déclaré.

"Gaz lacrymogènes et nouvel appel à manifester"
Plus tôt dans la journée de mardi, les policiers et gendarmes de la Fosep avaient dispersé une manifestation dans le quartier populaire de Bè, où se situe le siège de l’UFC. "Nous voulons le changement, nous voulons un nouveau président", entonnait un groupe de 400 jeunes manifestants.
Pour faire face à ces opposants, les hommes de la Fosep avaient été déployés dans le quartier dès 7 heures du matin.

Lundi, le gouvernement avait fait savoir que cette manifestation, annoncée par l’UFC pour protester contre des "fraudes" lors de l’élection, serait interdite. "Les manifestations sur la voie publique ne peuvent être organisées les jours ouvrables parce qu’elles perturbent l’activité", avait mis en garde Pascal Bodjoma, le porte-parole du gouvernement.

Conséquence attendue : la Fosep a dispersé le groupe de jeune. En guise de sommation, les policiers et gendarmes casqués se sont avancés vers les manifestants en frappant leur matraque contre leur bouclier. Visés par plusieurs grenades lacrymogènes, quelques rares jeunes se sont risqués à jeter des morceaux de brique sur les forces de l’ordre, tandis que la plupart fuyaient dans les ruelles.

"Dès que je suis arrivé en voiture, les jeunes étaient nombreux autour du véhicule. La Fosep commençait à tirer des gaz lacrymogènes, les jeunes couraient dans tous les sens. Nous sommes repartis", a déclaré Jean-Pierre Fabre, le candidat de l’UFC, après la dispersion de la manifestation.
L’UFC a tout de suite appelé à une nouvelle mobilisation. "45 ans de violence politique, ça suffit. C’est pourquoi, nous appelons nos militants à des manifestations tous les jours. Nous les appelons aussi à une autre marche samedi 16 mars, suivi d’un grand meeting à place de l’indépendance", a déclaré le directeur de campagne de Jean-Pierre Fabre, Patrick Lawson.

« Faure présidera aux destinés du Togo »
Quelques instants plus tard, sa défaite était entérinée par l’Union africaine (UA). "M. Faure Essozima Gnassingbé est réélu président de la République du Togo, a affirmé l’organisation dans un communiqué. […] Il présidera à nouveau aux destinées du Togo pour les cinq prochaines années."

Comme pour réagir aux manifestations interdites, l’UA "exhorte les contestataires à recourir aux voies légales pour se faire entendre", d’après le texte.
L’institution panafricaine estime "que globalement, d’après [les observateurs], le scrutin s’est déroulé de manière libre et transparente. Ils ont toutefois recueilli des plaintes provenant d’acteurs politiques concernant l’authentification des bulletins de vote et la centralisation des résultats".

Cette position diffère quelque peu de celle de l’Union européenne : sa Mission d’observation électorale dit avoir constaté des "irrégularités" lors de l’élection (concernant essentiellement la campagne électorale plutôt que le vote) selon un rapport provisoire.

Le rapport final doit être rendu public d’ici deux mois, mais on voit mal désormais ce qui pourrait empêcher Faure Gnassingbé d’entamer son nouveau mandat (Avec AFP).

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