L’ombre de Yar’Adua plane sur le pouvoir de Goodluck Jonathan
Depuis le 24 février, date à laquelle le président nigérian est revenu au pays après un séjour de plus de trois mois à Djeddah (Arabie saoudite) où il était soigné pour une affection au coeur et des problèmes rénaux, le Nigeria vit dans l’angoisse d’un retour à l’instabilité qui a marqué son histoire récente.
Où est passé Umaru Yar’Adua ? Depuis son retour surprise au Nigeria, dans la nuit du 23 au 24 février, le chef de l’Etat nigérian reste invisible. Aucun media n’a pu l’approcher et aucun responsable politique ne l’a officiellement rencontré depuis. Etant donné les incertitudes sur la direction du pays, assurée depuis le 10 février par le vice-président Goodluck Jonathan, l’ambiance politique se dégrade de jour en jour. Qui gouverne réellement ? Quelle est le véritable état de santé de Yar’Adua ? Autant de questions sans réponses qui agitent quotidiennement la presse.
Preuve du trouble des Nigérians devant cette quasi-vacance du pouvoir, la ministre de l’Information, Dora Akunyili, a été jusqu’à accuser lundi dernier l’entourage de Yar’Adua de mensonges sur l’état de santé de ce dernier. "Il y a des gens autour du président qui ne disent pas la vérité et cela fait plus de 90 jours et la majorité des Nigérians est inquiète", a-t-elle déclaré à la télévision privée Channels, basée à Lagos. "Il y a confusion, anxiété et tension dans le système politique", a-t-elle ajouté.
Intérim contesté
Le dernier signe de vie donné par Yar’Adua aux médias remonte au 12 janvier, quand il avait accordé un bref entretien à la radio britannique BBC. Seul un de ses cousins, Zubaru Ali, a affirmé mercredi 10 mars dans une interview à la chaîne Al Jazeera, que le président était en état "de marcher, de parler et de manger". Rien de plus.
Le même jour, le Conseil des ministres, lors de sa réunion hebdomadaire, n’a pas dit un mot sur l’état de santé du président, relançant toutes les spéculations. "Le pays est devenu une sorte de no man’s land", résume l’analyste politique Chidi Odinkalu. En clair : le retour de Yar’Adua remet en cause l’intérim de Goodluck Jonathan, déjà contesté par des juristes et certains membres du gouvernement.
Tensions explosives
"La présence de Yar’Adua est comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de Jonathan", estime Lai Mohammed, le porte-parole du principal parti d’opposition Action Congress (AC). Une situation qui pourrait, selon lui, préluder à un "désastre". Si Jonathan est empêché de gouverner, "le Nigeria sera plongé dans une nouvelle crise constitutionnelle, aux conséquences terribles", affirme-t-il.
Pour d’autres, cependant, le statu quo est un moindre mal dans la perspective de l’élection présidentielle prévue en avril 2011. Objectif : ne pas transgresser la règle tacite de l’alternance du pouvoir entre le nord majoritairement musulman (au pouvoir avec Yar’Adua) et le sud à dominante chrétienne.
Selon Mike Oddih, professeur de science politique à l’université Nnamdi Azikiwe, dans l’Etat d’Anambra (sud), laisser – ne serait-ce que de manière symbolique – le Nordiste Yar’Adua occuper le fauteuil de président "peut désamorcer les tensions". Lesquelles sont explosives, avec un mélange de facteurs militaires, ethniques et régionaux, dans un pays où les civils n’ont repris le pourvoir qu’en 1999. (avec AFP)
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