Le casse-tête de la CEI
Un nouveau président de la Commission électorale indépendante (CEI) doit être nommé aujourd’hui. Il héritera d’une organisation aux enjeux considérables, qui est aussi l’une des plus complexes à gérer du pays. Revue des problèmes en suspens.
Formellement créé en 2001, pendant la crise ivoirienne, cet organe n’a pris sa forme actuelle qu’à l’issue des accords de Pretoria III, en 2005. Elle est composée de plus de 12 000 « commissaires locaux » et 5 000 membres de bureaux de vote, auxquels s’ajoutent le personnel d’entretien et de sécurité.
« Mammouth » administratif
Ce « mammouth » est périodiquement paralysé par les grèves dues aux retards de paiement des salaires.
Quatre cent trente huit commissions régionales (dont une vingtaine pour le seul district d’Abidjan) viennent compléter ce maillage local, chapeauté par une commission centrale de 31 personnes. La plupart des institutions (présidence, assemblée nationale, ministères…) et tous les partis politiques sont représentés dans ce dernier organe.
Encore au-dessus se trouve le bureau exécutif. Jusqu’à la dissolution décidée par Laurent Gbagbo le 12 février, il était composé de 12 membres divisés en trois camps politiques distinct : les pro-Gbagbo, les Forces nouvelles et l’opposition.
Composition de l’ancien bureau exécutif de la CEI
La CEI est censée conduire à terme l’un des processus électoraux les plus chers du monde. A l’été 2009, Jeune Afrique avait estimé le coût du processus électoral à 200 milliards de Francs CFA depuis 2005, soit plus de 66 dollars par électeur. Depuis, les retards ont encore alourdi l’ardoise, qui doit être réglée par les bailleurs de fonds et un Etat ivoirien pas toujours régulier dans ses paiements.
L’explosive question du contentieux
Ce coût astronomique s’explique notamment par la nécessité de mener une identification de la population afin de déterminer qui est apte à voter.
Si cette phase – le plus gros du travail – est achevée depuis juin 2009, reste à régler l’épineux problème du contentieux. L’identification a en effet laissé un million de cas « litigieux » derrière elle. Le recoupement avec les fichiers administratifs existants (état civil, listes électorales précédentes…) n’a pas permis de déterminer la nationalité de ces personnes.
Pour obtenir leur inscription sur les listes électorales, elles doivent donc prouver, par voie administrative ou judiciaire, qu’elles sont bien ivoiriennes.
D’après le Front populaire ivoirien (FPI, parti du président Laurent Gbagbo), l’ex-président de la CEI, Robert Beugré Mambé, aurait tenté de contourner cette procédure pour 429 000 personnes.
Ce membre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, opposition) est accusé d’avoir voulu ainsi favoriser l’opposition lors du scrutin à venir, en manipulant les cas litigieux.
Doutant de la nationalité de certains inscrits, le camp Gbagbo a de son côté réclamé la radiation des noms en question auprès de la justice. Cette méthode, qui n’était pas non plus prévue dans les accords, a encore accentué la crise politique.
Quel nouveau visage pour la CEI ?
A ce stade, le problème est donc gelé mais loin d’être réglé. Après les négociations en présence du médiateur burkinabè Blaise Compaoré, le 22 février à Abidjan, il semble que l’ossature de la nouvelle CEI sera conservée. Seuls les titulaires des postes clés – vraisemblablement le président et les quatre vice-présidents – doivent être remplacés.
La liste des problèmes qui ressurgiront, aussitôt la nouvelle CEI formée, ne sera pas facile à gérer pour le prochain président. En réalité, la difficulté à manœuvrer la CEI n’a d’égal que l’importance de ses enjeux.
Comme l’a montré l’obstination de son ex-président, Robert Beugré Mambé, à se maintenir à sa tête, chaque camp va continuer à se battre pour la diriger.
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