Naipaul revisite l’Inde de ses origines
Dans Le Regard de l’Inde, V. S. Naipaul s’interroge sur le fossé qui sépare la communauté indienne de Trinidad, dont il est issu, de son pays d’origine.
Le Regard de l’Inde, le nouveau récit de Sir V.S. Naipaul, prix Nobel de littérature 2001, se clôt sur une scène qui hante longtemps le lecteur. Racontant le retour de sa mère dans son village ancestral au nord de l’Inde, l’auteur d’Une maison pour monsieur Biswas écrit : « Des grains gris de sucre arrivèrent dans le creux d’une main et glissèrent de cette main dans le thé. Et la même personne, courtoise jusqu’au bout, se mit à tourner le thé avec son doigt… ». Le journal que tient la mère de l’écrivain s’interrompt brusquement sur cette image, comme si la narratrice venait tout juste de mesurer le fossé infranchissable qui la sépare à tout jamais de son pays d’origine idéalisé.
Le retour est impossible, semble dire Naipaul. Et c’est sans doute parce qu’ils avaient pris conscience de cette fatalité que les personnages interrogés par l’écrivain dans sa jeunesse, quand il vivait encore à Trinidad, avaient si peu à dire sur leurs origines. « Pour ces gens, l’Inde, le passé, avaient été balayés… », écrit-il.
Souvenirs écrasants du passé
Naipaul est un écrivain britannique qui est né et a grandi sur l’île caribéenne de Trinidad où ses ancêtres avaient immigré au 19e siècle en tant que « manœuvre sous contrat », pour fuir la misère en Inde. L’exploration de son identité métissée grâce au récit des premières années de sa vie où sa communauté vivait dans le souvenir écrasant de son passé indien est l’un des motifs récurrents de son œuvre.
Le dernier livre de Naipaul, à mi-chemin entre autobiographie et essai sur l’Inde, est fait de portraits succincts d’immigrés peu bavards sur leur passé ou leur présent. Mais il est aussi question de Gandhi, Nehru, de Huxley… Naipaul brosse sa propre idée de l’Inde. Une idée que symbolise justement ce doigt qui ne cesse de tourner dans une tasse de thé.
Le regard de l’Inde, par V.S. Naipaul. Traduit de l’anglais par François Rosso. Ed. Grasset, 105 pages, 9 euros.
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