Le séisme rapproche Haïti et la République Dominicaine

Frontalière d’Haïti, la République Dominicaine s’est transformée depuis deux semaines en une base arrière de l’aide humanitaire à destination des sinistrés du séisme. Une réaction rapide du gouvernement, même si elle est compliquée par des relations historiques difficiles entre les deux pays.

Des rescapés du séisme font la queue devant les bureaux d’aide humanitaire, à Haïti © CICR/M. Kokic

Des rescapés du séisme font la queue devant les bureaux d’aide humanitaire, à Haïti © CICR/M. Kokic

Publié le 28 janvier 2010 Lecture : 3 minutes.

Une semaine après le tremblement de terre qui a fait des dizaines de milliers de sans-abri au sein de la population haïtienne, la République dominicaine, voisine insulaire d’Haïti, est en train d’être transformée en base d’opérations humanitaires. On y organise des soupes populaires frontalières, des convois routiers, on y stocke des vivres et les travailleurs humanitaires sont exemptés de visa pour y travailler.

Le gouvernement dominicain se montre pourtant circonspect à la perspective de voir affluer les migrants haïtiens : les deux pays, qui se partagent les 78 000 kilomètres carrés de l’île, sont divisés par une frontière de 380 kilomètres et surtout par leur passé sanglant et des tensions politiques récurrentes, les Haïtiens accusant leur voisin de discrimination raciale à leur encontre.

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« Nous serons critiqués si les gens ont l’impression que nous jetons les Haïtiens dehors, mais comment en accueillir autant ? Il y en a des milliers, maintenant, dans les hôpitaux frontaliers. Vont-ils vouloir partir ? On ne peut pas subvenir aux besoins de tous », a déclaré Edwin Luciano, directeur des services d’aide aux victimes de catastrophes, à Saint-Domingue, trois jours après le séisme en Haïti. « On nous juge à la lumière des actes que nous avons commis dans le passé ; nous ne pouvons pas y échapper », a-t-il ajouté.

Complexité sociopolitique
En 1937, pour renforcer son pouvoir, le président Rafael Trujillo avait ordonné le massacre de plus de 15.000 Haïtiens en République dominicaine.
Plus récemment, en 2005, la Cour interaméricaine des droits humains avait jugé que le système dominicain d’obtention de la nationalité était anticonstitutionnel et violait les droits de deux enfants à qui l’on avait refusé de délivrer des actes de naissance. Sans document attestant leur nationalité, ils ne pouvaient être scolarisés, comme beaucoup de jeunes dominicains d’origine haïtienne.

Les personnes d’origine haïtienne n’ayant pas de permis de séjour en République dominicaine sont périodiquement rapatriées de force, selon le Groupe d’aide aux rapatriés et réfugiés (GARR), organisme de coordination des ONG et organismes de défense des droits humains haïtiens. Selon les estimations, quelque 800.000 Dominicains d’origine haïtienne vivent actuellement en République dominicaine.

Une bouée de sauvetage
Les responsables des Nations unies ont décidé que la République dominicaine serait la principale base logistique des opérations humanitaires menées en Haïti : l’aéroport du pays, sinistré, ne comprend qu’une seule piste d’atterrissage, et son réseau téléphonique se remet lentement des suites de la catastrophe. « La pression est extrême en Haïti aujourd’hui. Nous recherchons tous les moyens possibles de la diminuer : cette frontière entre les deux pays est une bouée de sauvetage », a estimé Andrew Stanhope, coordinateur logistique des Nations unies, depuis Port-au-Prince.

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Une péniche de débarquement a été mise en place à Barahona (côte sud-dominicaine) pour transporter les secours à Jacmel, la quatrième ville haïtienne, où plus de 10.000 personnes ont été déplacées. La société américaine de transport DHL doit également ouvrir un entrepôt à l’aéroport Las Americas de Saint-Domingue pour y stocker l’aide d’urgence.

Réaction rapide du gouvernement et des citoyens
« Je travaille depuis de nombreuses années dans le secteur humanitaire, et c’est la première fois que je vois un gouvernement et ses citoyens agir aussi rapidement : tout ce que les Nations unies ont demandé a été accordé », a déclaré Valérie Julliand, coordinatrice résidente des Nations unies en République dominicaine. « Des dispenses de visa pour les humanitaires en transit ? Pas de problème. Une aide logistique dans les bases militaires pour entreposer le matériel ? Accordée. Une soupe populaire mobile tout équipée ? Matériel et personnel sont en place le long de la frontière. Une coopération pour ouvrir un couloir humanitaire afin d’acheminer les secours jusqu’en Haïti ? Accordée. »

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Interrogée sur la manière dont les Nations unies prévoient de gérer l’afflux de migrants haïtiens en quête de secours et d’une aide médicale en République dominicaine, Valérie Julliand a déclaré que l’organisation internationale soutiendrait les efforts déployés par le gouvernement en vue de porter secours aux rescapés du séisme.

Retrouvez le dossier spécial de jeuneafrique.com sur le séisme en Haïti ici.

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