Haïti : l’immense défi de la reconstruction
Dévasté par le séisme du 12 janvier, Haïti compte encore ses morts. Ils pourraient être au nombre de 200 000. Pour éviter qu’une telle catastrophe ne se reproduise, la capitale haïtienne devra être rebâtie selon de nouvelles normes.
Construite le long d’une faille qui passe aussi par Kingston, en Jamaïque, Port-au-Prince est située dans une plaine donnant sur la mer. Après l’époque coloniale, la ville s’est étendue sur les collines et dans les vallées adjacentes à cause de l’exode rural. Chaque année, des dizaines de milliers d’Haïtiens fuient les campagnes, où il ne reste guère de travail, et s’installent où ils le peuvent dans la capitale haïtienne.
Pour ceux qui vivent ou ont vécu à Port-au-Prince, l’ampleur de la catastrophe provoquée par le séisme du 12 janvier n’est pas vraiment une surprise. « Quand on évoquait la possibilité d’un tremblement de terre, on se disait que les conséquences seraient terribles », témoigne Marc, un Français qui a travaillé trois ans dans la capitale haïtienne.
Population multipliée par huit en quarante ans
Certains bidonvilles tenaient en équilibre sur le flanc des collines de Port-au-Prince. En 40 ans, la population de Port-au-Prince est passée de 400.000 habitants à plus de 3 millions. « L’Etat ne s’est pas préoccupé de ces nouveaux arrivants. L’urbanisation s’est faite de manière totalement anarchique », indique un cadre du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Ce n’est pas un cas unique au monde, mais la menace sismique était connue et « aurait dû alerter les autorités », estime-t-il.
Pour Éric Calais, au contraire, les autorités ont fait leur possible. Ce géophysicien français de l’université Purdue, dans l’Indiana (nord des États-Unis), étudie la faille responsable du séisme depuis 2003. Il a averti les autorités haïtiennes du risque élevé de catastrophe sismique. « Le gouvernement haïtien n’est pas à blâmer. Ils nous ont écouté attentivement et ils connaissaient le danger. Ils étaient très préoccupés et avaient commencé à prendre des mesures. Mais c’est arrivé trop tôt » , estime-t-il.
Châteaux de cartes
Les bidonvilles, pour la plupart construits en pierres ou en tôles, se sont écroulés comme des châteaux de carte. Mais les populations pauvres ne sont pas les seules victimes. Certains quartiers huppés ont également été touchés, ainsi que le centre administratif. Ni les vieux bâtiments issus de l’héritage colonial, ni les édifices en béton construits au XXe siècle n’ont résisté. Seul le quartier des affaires, qui avait migré ces dernières années sur les hauteurs de Pétionville, a été relativement épargné.
Comment reconstruire Port-au-Prince, la ville-symbole de l’histoire d’Haïti ? Cette fois, le risque sismique devra être pris en compte. Éric Calais rappelle que « le séisme s’est déroulé d’un côté seulement de l’épicentre (…). Rien ne dit que dans quelques jours, mois ou années, cela ne se reproduira pas de l’autre côté de la faille », précise-t-il. Bill Clinton, dans une tribune publiée par le Time, propose même de rebâtir les habitations « dans d’autres parties de l’île ».
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