Domota : « Plus que jamais, la Guadeloupe est une colonie de consommation »
Un an après le déclenchement de la révolte en Guadeloupe qui a chamboulé le paysage de l’outre-mer français, le Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP) a organisé une nouvelle manifestation le samedi 9 janvier, à Pointe-à-Pitre. Le secrétaire général du syndicat Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) et porte-parole du collectif LKP, Elie Domota, dénonce le « désengagement de l’Etat » dans les territoires ultra-marins.
Jeuneafrique.com : Un an après le déclenchement de la grève générale en Guadeloupe, vous avez appelé à une nouvelle manifestation le 9 janvier. Pourquoi ?
Elie Domota : Nous sommes toujours mobilisés car de nombreux engagements que l’Etat avait pris [après 44 jours de grève, ndlr] n’ont pas été respectés. Prenons l’exemple du prix du carburant, à l’origine de la grève [en janvier-février 2009, ndlr]. L’Etat s’était engagé à réformer la structure des prix, mais rien n’a été fait. Depuis le mois de septembre, il y a eu deux hausses successives des prix, décidées par le préfet en contradiction avec la loi. Au niveau de la formation, rien n’est fait alors que 60% des moins de 25 ans sont au chômage. Dans le même temps, le gouvernement a payé 44 millions d’euros à Total et s’apprête à lui en verser à nouveau 50 millions. Le gouvernement est là pour servir les gros. Il a essayé de nous embobiner avec les Etats généraux, mais ils n’ont répondu en rien aux préoccupations des Guadeloupéens. Plus que jamais, la Guadeloupe est une colonie de consommation. Les mesures prises sont en faveur du grand capital, des multinationales. Nous nous sommes battus contre la « profitation » et la discrimination, mais rien n’a changé.
Vous ne croyez pas aux discours du président Sarkozy, qui parle d’une nouvelle donne en outre-mer et entend responsabiliser les acteurs locaux ?
Sarkozy a surfé sur nos velléités, il a même parlé de plus d’autonomie. Mais il s’agit ni plus ni moins du désengagement de l’État au nom des directives libérales de l’Union européenne. Comment expliquez-vous les nombreuses manifestations qui ont troublé les territoires ultramarins en 2009 ? Elles ont toutes un point commun : l’existence d’une domination coloniale. En Guadeloupe, en 2010, la société est organisée suivant la même structure qu’il y a deux siècles. Au sommet, il y a les Européens, et tout en bas, les Guadeloupéens d’origine africaine. C’est pareil en Guyane, en Martinique, en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte… Et dès que vous dénoncez ça, on vous traite de raciste !
La Guadeloupe, pourtant à l’origine de la mobilisation en 2009, n’est pas concernée par le référendum sur le statut, organisé en deux temps en Martinique et en Guyane, les 10 et 24 janvier. Qu’en pensez-vous ?
Cette consultation pour choisir l’article 73 ou l’article 74 [de la Constitution, NDLR], c’est un faux débat. C’est juste une version tropicale de la réforme des collectivités que veut mettre en œuvre Sarkozy. La Martinique et la Guyane ne lui servent que de laboratoires. A notre avis, il faut appréhender les choses différemment et élaborer un véritable projet de vie, de société. Après, on négociera avec l’État français le statut. Ce n’est pas un article de la Constitution qui détermine le développement, c’est un projet.
La revendication indépendantiste, que certaines organisations du LKP soutiennent, dont l’UGTG, a-t-elle encore un sens en 2010 ?
Le terme a été tellement galvaudé… Je préfère parler de contenu. D’abord, réfléchissons à ce que nous voulons faire de notre pays. Après, on y donnera un nom. Mais ce projet doit être financé par l’Europe et par la France. Car elles ont construit leur richesse sur les conquêtes coloniales. Aujourd’hui, nous demandons que tout ce que les Européens ont eu, nous puissions aussi en bénéficier.
Propos recueillis par Rémi Carayol
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