Iran: sanglante répression et radicalisation de l’opposition
Selon plusieurs sites iraniens, les autorités ont arrêté lundi une série de personnalités de l’opposition, dont deux proches de l’ancien président réformateur Mohammad Khatami et trois conseillers de l’ancien premier ministre Mir Hossein Moussavi dont le neveu, Ali, a été assassiné dimanche. Alors que l’opposition se radicalise, le cycle manifestations-répression semble bien engagé pour les semaines à venir.
Lundi 28 décembre au matin, des policiers ont arrêté Morteza Haji, ancien ministre et directeur général de la fondation Baran de M. Khatami, et son adjoint Hassan Rassouli, a indiqué le site des parlementaires d’opposition Parlemannews.ir. Les services de sécurité ont également arrêté trois de principaux conseillers de l’ancien premier ministre Mir Hossein Moussavi, devenu l’un des leader de l’opposition au président Mahmoud Ahmadinejad depuis la réélection contestée de ce dernier en juin, selon la même source.
Un autre site de l’opposition, Rahesabz, a fait état de son côté de l’arrestation lundi de plusieurs activistes moins connus de l’opposition réformatrice, dont un leader étudiant et le fils d’un ancien ministre de l’ex-président Khatami. Une figure de l’opposition libérale, le journaliste et défenseur des droits de l’Homme Emadeddin Baghi, qui dirige l’Association iranienne pour la défense des droits des prisonniers, a également été arrêtée lundi, toujours selon Rahesabz.
Ce militant des droits de l’Homme, qui a fait plusieurs séjours en prison ces dernières années pour avoir "mis en danger la sécurité nationale", a soutenu l’ancien président du parlement Mehdi Karoubi lors de l’élection présidentielle de juin. Lequel est devenu, avec MM. Moussavi et Khatami, l’un des principaux leader de l’opposition au président Ahmadinejad dont il conteste la légitimité.
Des agents de sécurité ont par ailleurs investi lundi matin les bureaux du magazine féminin Irandokht dirigé par l’épouse de M. Karoubi, et ont saisi ses ordinateurs, selon le site d’opposition Advarnews.
La police avait auparavant arrêté dans la nuit l’ancien ministre des Affaires étrangères iranien Ibrahim Yazdi, chef du MLI (Mouvement de Libération de l’Iran) et figure historique de l’opposition libérale au régime iranien, selon Rahesabz. Âgé de 78 ans, Yazdi a été ministre des Affaires étrangères de l’éphémère gouvernement de Mehdi Bazargan au début de la Révolution islamique de 1979. Il a déjà été arrêté à plusieurs reprises au cours des dernières années. Il a été emmené "vers une destination inconnue", selon Rahesabz.
Commémoration de l’Achoura
Ces arrestations font suite aux immenses manifestations regroupant dans les rues de Téhéran et de la plupart des grandes viles iraniennes – Chiraz, Ispahan, Qasvin, Tabriz et même Qom, la ville sainte – des dizaines de milliers de personnes à l’occasion de l’Achoura (pour les chiites, il s’agit entre autres de la commémoration du massacre de l’imam Hossein et de 72 de ses proches par le califat omeyyade à Kerbala en Irak, en 680). Des vidéos circulant sur internet montrent des heurts sanglants entre la foule et les miliciens bassidjis assistés des forces de l’ordre et même, parfois, d’hélicoptères de l’armée. La police ne reconnaît que cinq morts "accidentelles" (deux ou trois fois plus selon l’opposition) et l’arrestation de 300 "hooligans". Parmi les victimes figure Ali Moussavi, le neveu de Mir Hossein Moussavi.
Assasinats ciblés
Selon plusieurs sites réformateurs citant, entre autres, le cinéaste Mohsen Makhmalbaf, proche de la famille, Ali Moussavi a été tué délibérément par des bassidjis. Après être sorti de chez lui, il aurait été pris en filature par une voiture avec cinq hommes à bord. L’un d’eux est descendu et a tiré sur M.Moussavi. Son corps aurait ensuite été transporté et gardé à la morgue de Téhéran. D’autres agressions "ciblées" auraient eu lieu dimanche pour impressionner les opposants. A Ispahan, le frère de l’ancien ministre de l’intérieur, le réformateur Abdullah Nouri, aurait été frappé devant ses enfants par des miliciens qui l’avaient publiquement menacé auparavant.
Ce sont les premières grandes manifestations depuis celles qui avaient suivi la réélection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad, le 12 juin dernier, dont le bilan s’élevait, selon l’opposition, à une soixantaine de morts et 4000 arrestations. Force est de constater qu’en dépit d’une répression sévère, le mouvement perdure six mois après ce scrutin, caractérisé par des "fraudes massives" selon Mir Hossein Moussavi.
Radicalisation croissante
Outre leur violence, ce qui caractérise le plus ces événement, c’est la radicalisation croissante de l’opposition. Les slogans ne visent plus seulement M.Ahmadinejad, mais le Guide suprême Ali Khamenei lui-même ("Moharram, c’est le mois du sang versé, le guide Khamenei sera renversé"). Le guide était également comparé au calife honni Yazid, responsable de la mort de l’imam Hossein à la bataille de Kerbala, que commémore le deuil de l’Achoura.
De plus, dans la rue, sans être vraiment armés, de nombreux manifestants ont érigé des barricades dans certaines avenues de Téhéran, jeté des pierres sur les forces de l’ordre ou encore incendié les motos des voltigeurs bassidji, fer de lance de la répression lors des émeutes dans les rues.
Le cycle manifestation-répression semble désormais enclenché pour les semaines à venir. Après le mois de deuil de Moharram vient celui de Safar. Et, entre-temps, les deuils récents sont célébrés tous les quarante jours. Autant d’autres troubles en perspective… (avec AFP)
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