Côte d’Ivoire : le compte à rebours commence

La Commission électorale indépendante (CEI) assure que la phase du contentieux, dans le processus d’identification du corps électoral, sera finie à temps. C’est-à-dire dans quatre jours. Mais sur le terrain, les commissaires grondent.

Publié le 23 décembre 2009 Lecture : 3 minutes.

« A ce rythme-là, on n’aura jamais fini », déplore Ibrahim*, assis derrière son bureau de la Commission électorale locale du Plateau, le quartier administratif d’Abidjan. Cet ancien pompiste a quitté son emploi en 2007 pour participer au processus d’identification de la population. Mandaté par son parti politique – comme tous les autres commissaires -, il pensait faire œuvre de patriotisme en aidant son pays à organiser des élections « dignes de ce nom ». Et, accessoirement, améliorer son train de vie. Mais aujourd’hui, il regrette. « Je devais toucher au moins 50 000 F CFA par mois, plus des primes. Mais ça fait six mois qu’on n’est pas payés. Tous les commissaires issus du secteur privé, comme moi, ont perdu leur emploi. »

Enseignant dans un collège public, Henri* est tout aussi désabusé. « J’avais l’assurance de continuer à toucher mon salaire d’enseignant [210 000 F CFA par mois, ndlr]. Mais le mois dernier, j’ai eu la surprise d’être suspendu ! Je ne touche plus rien aujourd’hui. Comment on fait pour venir ici en taxi et pour manger à midi ? Si ça continue, je retournerai au collège. » Pour calmer les esprits, la CEI assure que c’est une question de temps. Son président, Robert Beugre Mambe, estime que les retards de paiement ne sont pas imputables aux bailleurs de fond, « qui nous ont beaucoup aidés », mais bien à l’Etat ivoirien, dont la contribution tarde.

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Une commission critiquée par le camp Gbagbo

C’est que la fameuse commission chargée de régler les contentieux, suite à l’inscription des Ivoiriens sur les listes électorales, est sous le feu des critiques. Le camp du président Laurent Gbagbo voit en Beugre Mambe un « cadre du PDCI » (Parti démocratique de Côte d’Ivoire, le parti d’Henri Konan Bédié) et estime qu’il est la cause des retards. « La CEI est dominée à 90 % par l’opposition », juge Pascal Affi N’Guessan, le président du Front populaire ivoirien (FPI, au pouvoir). Selon lui, « c’est l’opposition qui a intérêt à repousser les élections, et non le président, car tous les sondages le donnent gagnant ». Beugre Mambe ne souhaite pas répondre à ces attaques. « Nous faisons notre travail en toute probité morale », dit-il.

Des milliers de cas à régler en quelques jours

Les retards de paiement n’incitent pas les commissaires à traiter rapidement les dossiers. Et pourtant, ils sont encore nombreux, ces cas litigieux. Robert Beugre Mambe et Young Jin Choi, le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en Côte d’Ivoire, se veulent confiants. Selon eux, la phase dite de « contentieux », débutée le 26 novembre et prévue pour durer un mois, est en bonne voie. « Le résultat est très encourageant », a déclaré Choi le week-end dernier, tout en exhortant la commission à accélérer le processus. La semaine dernière, affirme-t-on à la CEI, près de 250 000 dossiers avaient été traités, sur un total de… 1 033 000 réclamations !

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Un travail de longue haleine

Le processus d’identification des électeurs ivoiriens est un travail de longue haleine « qui demande de la rigueur si l’on veut des élections inclusives et transparentes », affirme le président de la CEI. A l’issue de la phase d’identification de la population, 6 384 253 personnes ont été recensées sur la base des accords de Ouagadougou. Parmi elles, 83% (5 300 586) ont été reconnues comme étant de nationalité ivoirienne : elles pourront donc voter. Reste 1 033 000 personnes pour lesquelles persiste un doute.

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Depuis le 26 novembre et le début de la phase dite de « contentieux », leur nom est affiché dans les bureaux locaux et ils peuvent déposer une réclamation. « Pour chaque anomalie [une même personne enrôlée deux fois ; deux personnes enrôlées sur la base d’un même document ; présence simultanée sur les fichiers « Ivoirien » et « étranger »…], nous avons une solution », précise Beugre Mambe. La fin de cette phase est fixée au 26 décembre. D’ici là, la CEI aura certainement proposé une nouvelle date pour l’élection présidentielle, qui devrait se tenir fin février – début mars. A condition bien sûr, que les commissaires soient restés au poste.

Un rythme « trop lent »

Découragés par les arriérés, un grand nombre de commissaires sont effectivement retournés à leur travail. A la commission locale du Plateau, le 15 décembre, ils n’étaient que quatre, « alors que nous sommes 22 normalement », indique Ibrahim. Dans ce contexte, « c’est trop lent, on ne tiendra jamais les délais. » Le 15 décembre dans ce bureau du Plateau, 559 « contentieux » avaient été traités depuis le 26 novembre. Il en restait près de 4 000…

*Les noms ont été changés

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