Il y a un an, Lansana Conté s’éteignait
Bain de sang, flou politique, désordres civiques, armée hors de contrôle… Aujourd’hui, la Guinée bascule. Son président, le capitaine Moussa Dadis Camara, vient de réchapper d’une tentative d’assassinat. Quelques mois auparavant, une manifestation pacifique dénonçant sa probable candidature à l’élection présidentielle de janvier 2010 était réprimée dans le sang.
Cette page de l’histoire guinéenne s’est amorcée il y a tout juste un an, le 22 décembre 2008. Le pays, dirigé pendant plus de deux décennies par Lansana Conté, voyait s’éteindre son « Mangué », son chef.
La démocratie selon Lansana Conté
Ce jour-là, à 18h45, le président Conté décède après des années de lutte contre les maladies qui le rongent. Le monde n’en sera informé que le lendemain mais déjà, l’entourage présidentiel s’active pour planifier la transition. La tâche est ardue puisque, depuis 24 ans, le pouvoir est resté jalousement emprisonné dans les mains d’un seul homme. Un chef autoritaire, qui, comme nombre de ceux qui s’accrochent au pouvoir, n’a pas pris le soin d’organiser sa succession.
Arrivé à la tête du pays en 1984, à la faveur d’un coup d’Etat perpétré après la mort de son prédécesseur Ahmed Sékou Touré, Lansana Conté est d’abord accueilli en sauveur. Désigné président car il est le plus gradé des putschistes, il entend bien redresser un pays laissé en friche par plus de vingt ans de gestion marxiste.
Fils de paysan devenu « enfant de troupe » à 16 ans, Lansana Conté revendique une longue carrière militaire. Il en est si fier qu’il se fera appeler « général-président » jusqu’à sa mort. Dès son arrivée au pouvoir, il entame un processus de démocratisation, alors en marche dans de nombreux pays africains. Le multipartisme, la prolifération des journaux, l’ouverture économique permettent à la Guinée de repartir.
Mais la tendance s’inverse rapidement. Les élections de 1993 et 1998 sont entachées par les arrestations arbitraires des opposants ; la présidence à vie se profile ; Lansana Conté se durcit. Hermétique à la négociation, il refuse de recevoir ses adversaires politiques. La maladie l’affaiblit, il s’isole et enferme avec lui son pays. Il tourne le dos à d’éventuels partenaires africains et à l’ensemble de la communauté internationale, pour finir par se détourner de la vie publique et politique. A partir des années 2000, en dépit de ses richesses naturelles, la Guinée sombre dans la récession.
Les vertiges du pouvoir
A sa mort à 74 ans, Lansana Conté laisse une Guinée anéantie. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) le classe à une piètre 166e place en termes de développement humain (sur 177). Un pays à l’agonie, à l’image de son président qui s’est battu des années durant contre une leucémie et un impitoyable diabète.
Le lendemain de son décès, le président de l’Assemblée nationale, Aboubacar Somparé, demande officiellement au président de la Cour suprême de « constater la vacance du pouvoir et de faire appliquer la constitution », c’est-à-dire de lui confier la gestion de la transition afin de préparer des élections dans un délai de soixante jours. Mais le sort de la Guinée se joue déjà ailleurs : entre les mains de l’armée, qui manœuvre pour fomenter un coup d’Etat. Des membres du Bata, une unité d’élite, fondent le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) et suspendent la constitution. Reste à savoir qui va diriger le putsch. Face à l’hésitation de ses camarades, un capitaine inconnu, peu gradé mais ambitieux, s’auto-proclame président de la Guinée, le 24 décembre à la Radio Télévision guinéenne (RTG).
Il promet alors d’organiser d’ici à 2010 des « élections libres » auxquelles il ne sera pas candidat. Dans un entretien accordé à Jeune Afrique le 25 décembre 2008, il demandait : « Qu’on nous juge sur nos actes. Nous allons respecter les droits de l’homme, les règles de l’État de droit. Nous allons redresser ce pays, (…) conduire un processus électoral débouchant sur des élections incontestables… ».
En moins de douze mois, tout s’est à nouveau écroulé.
Moussa Dadis Camara parade dans les rues de Conakry au lendemain de sa prise de pouvoir (© AFP)
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