Les Barons, un film tendre et hilarant
En sélection officielle au Festival international du film de Marrakech, Les Barons, de Nabil Ben Yadir, a fait hurler la salle de rire. Notre envoyée spéciale était sur place.
Ca y est, c’est officiel ! Des fous rires ont enfin fait trembler les murs de la salle pendant la projection d’un film en sélection officielle: Les Barons, du réalisateur belge Nabil Ben Yadir.
Le casting, déjà, fleurait bon l’humour décalé. On retrouve Amelle Chahbi qui doit sa notoriété au Jamel Comedy Club et qui a fait ses classes d’humoriste avec le groupe français de stand up Barres de rire. Quant à Julien Courbey, que le public a découvert dans Le ciel, les oiseaux et ta mère, il livre encore une prestation bien à lui. « Je continue mon petit bonhomme de chemin et ma carrière atypique » dit-il, assis dans un coin, son éternel chapeau vissé sur la tête.
Pour écrire son film, Ben Yadir s’est inspiré de sa propre histoire. « Tout ce que vous avez vu est vrai », dit-il. Il raconte avec une légèreté et un sens aigu de la dérision le quotidien de trois « barons » – des copains d’enfance d’une trentaine d’années -, dont le seul but dans la vie est d’en faire le moins possible. Pieds nickelés, loosers au cœur tendre, ils trainent leur paresse entre l’épicerie du quartier et la BMW qu’ils ont acheté… à huit ! Mais ne cherchez pas ici de description sociologique de la communauté maghrébine en Belgique.
Tout en jetant un regard tendre sur sa communauté, Nabil Ben Yadir s’interdit de la disséquer ou de la stigmatiser. Il n’y a ici ni discours politique, ni clichés lénifiants sur le voile ou sur les relations entre hommes et femmes. Les maghrébins sont des gens comme les autres et le réalisateur a eu l’intelligence de les filmer avec un grand naturel.
Peut être s’est il inspiré d’une remarque que lui avait faite sa mère. « Nabil, pourquoi quand il y a des films sur nous, c’est toujours méchant, c’est toujours triste, pourquoi y a-t-il toujours de la pluie et la police ? », se plaignait-elle. Alors, quand il parle de racisme ou du tabou lié à la virginité, c’est en passant par le bon mot d’un personnage qui vous fait autant rire que réfléchir.
Ce qui fait la force du film, c’est bien sûr l’humour qui est à la fois le moteur et le sujet principal. L’un des « barons », Hassan, se rêve en humoriste mais n’ose pas avouer ses ambitions théâtrales à son père, interprété par l’excellent Salah Eddine Benmoussa. Celui-ci a trouvé une place de chauffeur de bus à son fils et, de situations cocasses en quiproquos, le spectateur est entraîné dans une sarabande de scènes qui mêlent l’humour belge à celui des blagues populaires marocaines. Les apparitions d’Edouard Baer et de Fellag viennent encore ajouter un peu de piment à un film qui n’en manque pas.
Nabil Ben Yadir parle de ce qu’il connaît et cela se ressent. Son œil est tendre sans être complaisant, drôle sans être superficiel. Car derrière l’ode à la famille, à l’amitié et à son quartier, le réalisateur pose une question quasi-tragique : peut-on grandir sans quitter les siens, sans trahir ses amis, sans s’évader de chez soi ?
Les Barons est un élégant hommage à cette noblesse du cœur dont le rire, qui sauve de tout et guérit toutes les blessures, est l’une des plus nécessaires vertus.
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