L’investisseur Amethis invente son propre modèle
Partie sur les chapeaux de roue, la société se réserve la possibilité de rester plus de sept ans au capital des groupes sur lesquels elle mise. Une vision à long terme qui tranche avec les pratiques du secteur.
Amethis Finance n’a pas perdu de temps. Là où d’autres ont mis deux ans, il aura fallu à peine une année à la jeune société de capital-investissement pour se lancer et conclure sa première transaction, un investissement d’environ 8 millions d’euros dans le kényan Chase Bank. Préparé en 2012, l’accord a été signé seulement quinze jours après qu’eut été finalisée la levée de fonds qui a permis à Amethis d’engranger 235 millions d’euros. Et un deuxième deal devrait être bouclé très prochainement : 3,7 millions d’euros seront injectés dans Pétro Ivoire, distributeur ivoirien de produits pétroliers.
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Forte d’une dizaine d’investisseurs et analystes, l’équipe basée à Paris est exclusivement constituée de professionnels, africains et européens, ayant vécu sur le continent. L’objectif de rentabilité (25 % par an), les méthodes de contrôle et les impératifs de bonne gouvernance sont les mêmes que chez n’importe quel autre capital-investisseur. Mais la société née de l’imagination de Luc Rigouzzo et Laurent Demey, deux anciens de Proparco (la filiale de l’Agence française de développement dévolue au secteur privé), se distingue de ses consoeurs par plusieurs aspects.
Famille
Les contributeurs du fonds, d’abord. La Compagnie Benjamin de Rothschild, célèbre maison de gestion des risques et de conseil basée en Suisse, a apporté quelque 15 millions d’euros au premier fonds. Elle a également présenté la jeune équipe à des familles d’industriels européens, méditerranéens et américains qui forment 60 % de l’actionnariat. Un phénomène rare sur un continent où les institutions de développement restent les principaux financiers des fonds de capital-investissement. « C’est une manière pour ces familles de mettre le pied en Afrique, se félicite Laurent Demey. Nous espérons qu’elles impliqueront ensuite leur groupe et pas seulement leur fortune personnelle sur le continent. » Les 40 % restants ont été apportés par des banques et des entreprises issues du réseau des deux anciens de Proparco.
Les conditions et les délais de sortie du capital diffèrent eux aussi de ceux en vigueur dans le monde du capital-investissement. « Notre ambition est d’être un acteur privé de financement de long terme plus qu’un fonds d’investissement », précise Laurent Demey. Une façon de répondre aux critiques adressées par les entreprises concernant la durée d’investissement des fonds. « Nous voulons maîtriser le temps avec un horizon compris entre cinq et sept ans, mais en nous réservant la possibilité de rester plus longtemps, poursuit le cofondateur. C’est un modèle adapté à l’Afrique. »
Avec l’accord de ses actionnaires, Amethis pourrait d’ailleurs, dans quelques années, transformer le fonds (à durée de vie limitée) en un véritable holding d’investissement, non contraint par le temps. « Ils ont une approche différente, que ce soit pour la durée de détention, moins figée que chez d’autres, ou pour les conditions de sortie, explique un entrepreneur africain qui a traité avec les investisseurs d’Amethis. Ils ne vous obligent pas, dès leur entrée au capital, à racheter leurs parts au bout de quelques années, comme le font beaucoup d’autres. »
« En Afrique, pour avoir un bon retour sur investissement, il faut non seulement une relation au temps de plus long terme, mais aussi un niveau de diversification plus élevé qu’en Europe », complète Luc Rigouzzo. Amethis investira ainsi entre 4 millions et 11 millions d’euros dans une quarantaine d’opérations – et « au moins une douzaine de pays », selon ses fondateurs -, toujours en tant qu’actionnaire minoritaire. Une politique qui, encore une fois, tranche avec celle de la plupart des fonds, qui se limitent à une dizaine d’opérations et privilégient de plus en plus une position majoritaire au tour de table.
Autre particularité : la capacité du fonds à investir en capital ou en dette de long terme, deux types d’instruments qu’Amethis entend garder distincts. Sur les 235 millions d’euros de fonds, plus de 110 millions ont été apportés sous forme de dette par l’Overseas Private Investment Corporation (Opic), l’institution d’aide au développement américaine, et seront prêtés en dette à long terme à des entreprises africaines. « On ne lève pas de la dette pour réaliser des investissements en capital, encore moins pour avoir recours à un effet de levier, précise Laurent Demey. La croissance en Afrique est suffisante pour ne pas avoir recours à ce genre de mécanisme. »
Confiance
Chase Bank, par exemple, a vu ses principaux indicateurs financiers progresser de près de 50 % par an depuis une décennie… De quoi espérer une confortable rentabilité au moment de la sortie du capital. « Nous avons effectué 17 sorties pendant cinq ans dans nos précédents emplois, explique Luc Rigouzzo. Un tiers en cession à l’actionnaire majoritaire, un tiers en Bourse et un tiers en cession à un repreneur industriel conjointement avec les autres actionnaires. » En ce qui concerne Pétro Ivoire, Amethis envisage ainsi de coter la société à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM, à Abidjan) dans quelques années.
Cette approche témoigne d’une réelle confiance en l’avenir. Amethis continue d’ailleurs de lever de l’argent, en espérant atteindre un total de 225 millions d’euros en capital et de 150 millions en dette. Soit une puissance de feu d’environ 375 millions d’euros. Autre signe de cette foi dans le potentiel du continent : des bureaux africains pourraient être ouverts, notamment à Nairobi et à Abidjan, en 2014.
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