Conflit en Casamance : un commandant du MFDC témoigne
Cinq ans après la signature de l’accord de paix entre l’Etat et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), le conflit continue de hanter le sommeil des habitants du sud du Sénégal.
Après la relative accalmie observée depuis décembre 2004, les hostilités ont repris cet été en Casamance. En juin, des véhicules militaires ont été saccagés. En septembre, des soldats ont ouvert le feu sur des « rebelles ». En octobre, il y a eu un ratissage de l’armée dans le département de Bignona. Peu après six militaires ont péri dans une attaque à la roquette organisée par les éléments supposés appartenir au MFDC. Dans le même temps, les braquages, dans lesquels des civils ont trouvé la mort, se sont multipliés. Pour faire face à cette montée de violence, l’armée a renforcé ses effectifs dans la région.
« C’est un conflit qui ne veut rien dire », a déclaré un commandant du MFDC « repenti » à Jeune Afrique, qui publie le 15 novembre le reportage « Casamance ni guerre ni paix ». Le témoignage de ce responsable a été recueilli fin octobre à Ziguinchor et nous le publions sans nom ni photo, pour respecter son anonymat.
« En 1986, j’avais 17 ans. Un jour, à la sortie de l’école à Ziguinchor, j’ai été approché par des gens du MFDC. Ils ont dit qu’ils avaient besoin de jeunes pour prendre la relève et continuer la lutte pour l’indépendance pour un avenir meilleur pour la Casamance. Quelques camarades de mon âge et moi-même étions emballés à l’idée de faire quelque chose pour nous et nos familles alors nous sommes partis avec eux vers la frontière de la Guinée-Bissau, dans un camp commandé par Sidy Badji. Mes parents ne m’ont jamais rien dit. Ni lorsque je venais en permission ni quand je suis rentré définitivement il y a trois mois. Les gens ont peur de parler de ça.
Au camp, la vie était dure. On chassait pour manger et sur le plan sanitaire il n’y avait rien. Mais on a reçu une vraie formation militaire avec des instructeurs qui étaient des retraités de l’armée. On a appris la stratégie et la tactique militaires. On avait aussi des cours de discipline. J’ai d’abord été simple combattant, puis chef de section et quand j’ai arrêté, j’étais commandant de compagnie.
Depuis longtemps j’avais envie de sortir, mais c’est dangereux. Au maquis on risque des représailles. En ville on peut être arrêté. Mais, un jour un ancien combattant que je connaissais m’a parlé d’une ONG qui aide à se réinsérer. J’ai gâché ma vie dans le maquis, mais je ne savais pas comment faire pour m’en sortir. Au début je m’étais engagé pour l’indépendance, mais maintenant je ne veux plus en parler. 22 ans, ce n’est pas deux jours, ce n’est pas deux ans.
Personnellement, j’ai participé à des attaques. Mais je n’étais ni saoul ni drogué car on nous interdit ça. On s’est aussi entretué entre nous, entre membres du MFDC dans les années 1986 à cause du problème de Salif Sadio. De nos jours, il y a parfois des bagarres parce que les gens n’ont pas forcément la même façon de voir les choses, mais il n’y a plus de tueries. La vie au camp est organisée. Tous les deux mois, il y a même des rencontres avec César Badiate. On parle de la situation. Il est calme, sympa. Il veut le dialogue avec l’Etat. »
Pour en savoir plus : lire le reportage « Casamance ni guerre ni paix » dans Jeune Afrique, en vente à partir du 15 novembre 2009.
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