Rastas et militaires : drôle de commémoration pour Hailé Selassié
L’anniversaire du couronnement du « Négus », dernier empereur d’Ethiopie et dieu vivant pour les rastas, a été célébré modestement à Addis Abeba, lundi 2 novembre.
Son couronnement, lors d’une fastueuse cérémonie le 2 novembre 1930, avait été un évènement d’envergure mondiale.
Conformément à une tradition millénaire, l’Ethiopie, alors seul Etat africain à ne pas avoir subit la colonisation, venait de se doter d’un nouvel empereur : Hailé Sélassié Ier (pouvoir de la Trinité), Roi des Rois d’Ethiopie, Seigneur des Seigneurs, Lion conquérant de la tribu de Juda, Lumière du Monde, élu de Dieu.
Mais lundi, dans un petit centre culturel d’Addis Abeba, il ne restait plus qu’une petite foule hétéroclite, pour célébrer les 79 ans de cet avènement.
Héritage contrasté
C’est qu’au cours de son règne de 54 ans (le plus long de l’histoire éthiopienne), le « Rois des rois » sera passé du statut d’empereur vénéré par toute une nation, à celui d’autocrate détesté, en passant par celui de créateur de l’Organisation de l’Union Africaine ou encore icône mystique des jamaïcains.
Autour de quelques-uns des descendants d’Haile Selassie, au son de chants en son honneur, et sous les drapeaux impériaux vert, jaune et rouge, frappés du Lion de Juda, les quelques dizaines de personnes réunies ce soir-là venaient d’univers différents, témoins de son héritage contrasté.
Parmi les derniers fidèles, des anciens officiers, bardés de décorations, parfois remises de la main de l’empereur. Si c’est bien l’armée dont ils faisaient partie qui a renversé le dirigeant, contesté par la population, lors du coup d’Etat de 1974, certains éthiopiens, souvent âgées, continuent de cultiver la nostalgie du régime.
« J’ai beaucoup de respect pour Sa Majesté, je l’aime comme un père », lâche ainsi le général Wasihun Negato, 65 ans.
Dieu vivant
Mais l’admiration qu’ils vouent au Négus n’a rien de commun avec la ferveur des « rastas ».
Pour eux, Hailé Selassié était quasiment un dieu vivant : son couronnement est assimilé à la réalisation d’une prophétie, faisant de lui le messie de leur religion.
« Son couronnement est l’anniversaire le plus important pour nous (les rastas) parce que c’est là qu’il a été reconnu comme le Roi de tous les hommes », explique l’organisateur de la soirée, Askalé Sélassié (Yvonne Gayle de son vrai prénom).
L’intitulé même du mouvement spirituel, « Rastafari », n’est autre que son nom avant son couronnement (Ras signifie "duc" en amharique, tandis que Tafari, celui qui est craint, était son prénom). Bob Marley reprendra même un de discours pour en faire les paroles d’une de ses chansons les plus célèbres : War.
Reste à savoir qui il restera pour rendre hommage à Hailé Selassié l’année prochaine, et fêter les 80 ans de son couronnement.
(avec agences)
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