France : Rose, une Malienne esclave des temps modernes
Une jeune Malienne poursuit devant la justice française un couple franco-malien qui l’aurait exploitée de 1997 à 2006. Les époux encourent sept ans de prison ferme et 300 000 euros de dommages et intérêts. Le jugement est mis en délibéré au 6 novembre.
Rose* raconte avoir grandi dans un village près de Bamako, la capitale malienne. A la mort de son père, elle s’en va vivre avec un cousin de sa mère. Elle a 11 ans lorsqu’elle rencontre Aïssata S. L’employée de la mairie de Seine-Saint-Denis (Nord de Paris) lui propose de s’occuper de leurs quatre garçons. Rose est alors âgée de 11 ans.
La fillette arrive en France avec de faux papiers. Elle s’installe avec Aïssata et Mamadou S. et leurs enfants à Bondy, en banlieue parisienne. Elle explique avoir travaillé des heures durant et dans des conditions indignes de 1997 à 2006. Un calvaire qu’elle révèle pour éviter à d’autres de connaître la même mésaventure.
Versions contradictoires
« Je me levais à 7h et me couchais à 22h. Je faisais le ménage, le repassage, je m’occupais des enfants, je les accompagnais à l’école, je faisais le repas, je lavais la voiture… », a détaillé Rose devant la 15e chambre correctionnelle du tribunal de Bobigny, qui juge le couple accusé d’esclavage moderne.
La fleuriste en herbe de 23 ans – représentée par la vice-présidente de SOS Esclaves, Anick Fougeroux – dénonce aussi les humiliations, les coups, les insultes, les menaces, sa non-scolarisation. Les sévices seraient surtout le fait d’Aïssata S., qui dément toute maltraitance. « On sortait, il y avait des éclats de rire, a-t-elle confié à l’audience. On allait au resto et on faisait nos courses ensemble. »
Des « centaines de Rose »
Si les accusations sont fondées, les époux encourent sept ans de prison ferme et 300 000 euros de dommages et intérêts. Encourageant, selon le Comité contre l’esclavage moderne (CCEM), qui a suivi le cas de Rose. « D’habitude, on ne requiert pas de prison, même avec sursis, et on demande peu de dommages », indique la directrice du CCEM.
Prudente, Sophia Lakhdar attend le jugement mis en délibéré le 6 novembre. « Parfois les peines sont beaucoup plus légères que celles du réquisitoire », explique-t-elle. Une observation qui ressort des dossiers de « centaines de Rose » que le CCEM, étranglé financièrement, a eu à gérer depuis sa création, en 1994.
Diplomates intouchables
L’association de référence dans la lutte contre l’esclavage moderne explique que les victimes mineures et adultes de traite à des fins d’exploitation domestique sont originaires du sous-continent indien (Sri Lanka, Inde), d’Asie du Sud-Est (Philippines, Indonésie), du Maghreb (Maroc, Egypte) et d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Sénégal, Togo, Bénin, Mali), de l’Est (Tanzanie, Ethiopie, Kenya) et du Centre (Cameroun, République démocratique du Congo).
Les victimes sont recrutées par des intermédiaires, qui sont souvent des proches, ou encore par des expatriés qui rentrent au pays avec les domestiques qu’ils employaient en Afrique ou en Asie, commente Sophia Lakhdar. Parmi eux, des diplomates, intouchables grâce à leur immunité.
Un verrou que le CCEM, qui prépare une étude sur « diplomatie et exploitation » espère bien voir sauter : « Il faut un plaidoyer européen pour que, comme pour la torture, l’immunité ne soit plus effective en cas d’atteinte aux droits fondamentaux ».
*Pseudonyme qu’elle a donné au quotidien français 20 Minutes, qui a révélé l’affaire
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