L’Angolagate va faire couler de l’encre

Après l’annonce du verdict du procès de l’Angolagate, les diverses réactions, des accusés notamment, laissent à penser que le scandale n’est pas près d’en rester là.

Publié le 28 octobre 2009 Lecture : 4 minutes.

Le tribunal correctionnel de Paris a rendu mardi son verdict dans l’épineuse affaire de l’Angolagate, une vente d’armes illicite entre la France et l’Angola de 1993 à 1998. Parmi les accusés figurent de nombreuses personnalités, qui entendent bien faire entendre leur voix et ne pas se contenter d’un jugement estimé abusif.

Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur à l’époque des faits, a été condamné à une peine de trois ans de prison dont un ferme, ainsi qu’à 100.000 euros d’amende. Il a indiqué qu’il ferait appel. Après avoir contacté son client, son avocat Me Forster a ensuite affirmé que Charles Pasqua était "tout à fait surpris du traitement qu’on lui a fait subir, en omettant tous ses états de service. C’est un homme qui a risqué sa vie pour la patrie, qui s’est dévoué pour la patrie".

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Mais l’homme politique de 82 ans n’a pas l’intention de garder le silence. Dans une déclaration à France 2 mardi soir, après l’annonce du verdict, il a lancé : « Je demande au président de la République de lever le secret-défense sur toutes les ventes d’armes, sur toutes ces opérations qui ont été réalisées à l’étranger afin que l’on sache s’il y a eu des retours de commissions en France et qui en a bénéficié ». Selon lui, l’Elysée était au courant de ce qui se tramait en sous main entre la France et l’Angola, et plusieurs ministres étaient également dans la confidence.

Documents « dissimulés par les autorités françaises »

Du côté des deux principaux accusés, Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak, la sentence (six ans ferme) ne passe pas non plus, la défense de Pierre Falcone, Me Emmanuel Marsigny, parlant d’une condamnation « totalement démesurée ». L’homme d’affaires français a en effet été emprisonné dès la fin de l’audience. « Il est bien évident que nous allons immédiatement interjeter appel et déposer une demande de mise en liberté », a assuré son avocat.

Lui aussi maintient que l’Etat savait : « l’ensemble des services de l’État était parfaitement informé du rôle de mandataire de Pierre Falcone ». « Nous allons demander que l’ensemble des documents dissimulés par les autorités françaises, encore classés secret défense à ce jour, soient communiqués à la cour » en prévision du procès en appel, a-t-il ajouté, reprenant les mêmes demandes que Charles Pasqua.

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Arcadi Gaydamak a été condamné à la même peine que son complice, mais par contumace, puisqu’il est en fuite en Israël. Il reste donc sous le coup d’un mandat d’arrêt, mais son avocat souhaite faire appel. Me Pierre Haïk, a souligné que son client « a été relaxé pour la moitié » des chefs pour lesquels il était poursuivi et a donc jugé sa condamnation « regrettable ».

Mitterrand devra payer

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La justice française a relaxé Jean-Christophe Mitterrand, le fils aîné de l’ancien chef de l’Etat, des accusations de trafic d’armes. Jean-Christophe Mitterrand a en revanche été jugé coupable pour les sommes perçues des trafiquants. Il a été condamné à deux ans de prison avec sursis et à 375.000 euros d’amende pour les 2,6 millions de dollars reçus des vendeurs d’armes via des paradis fiscaux, et n’a pas réagi à cette condamnation.

Le romancier Paul-Loup Sulitzer, condamné à quinze mois de prison avec sursis, s’est déclaré « personnellement soulagé », mais a trouvé la justice « excessivement dure » pour Pierre Falcone, dont il a serré le bras à l’audience après l’énoncé de sa peine.

Seules six relaxes ont été prononcées tandis que 36 personnes au total étaient condamnées (dont une dizaine à de la prison ferme) pour avoir, soit participé à l’organisation de ce commerce « illicite » vers l’Angola, soit bénéficié de « pots-de-vin » distribués par Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak. La justice reproche aux deux associés d’avoir entre 1993 et 1998 vendu à l’Angola, alors en pleine guerre civile, des armes provenant de l’ancien bloc soviétique, pour 790 millions de dollars sans avoir reçu d’autorisation de l’Etat français.

L’Angola embarrassé

Ce jugement intervient alors que Paris et Luanda tentent de réchauffer des relations diplomatiques longtemps mises à mal par l’Angolagate. L’enquête avait mis en cause une trentaine de responsables angolais, mais aucun n’a été renvoyé devant la justice.

L’Angola avait tenté d’empêcher le procès, invoquant le secret-défense. Mais dans son jugement le président a constaté « l’inopposabilité du secret-défense », tout comme il a rejeté l’immunité diplomatique invoquée par Pierre Falcone, nommé en 2003 représentant de l’Angola auprès de l’Unesco.

L’opposition angolaise a salué depuis Luanda ce jugement. Il met « notre gouvernement dans une situation embarrassante. C’est un coup dur pour notre diplomatie », a déclaré le porte-parole de l’Unita, Alcides Sakala. « Cela prouve ce que nous disons depuis des années: que la corruption est endémique en Angola », a-t-il ajouté.

Le MPLA et le gouvernement n’ont pas souhaité commenter le jugement dans l’immédiat.

(avec AFP)

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