Bosnie/TPIY : Karadzic ou la stratégie de la chaise vide
Le procès, que le tribunal souhaitait exemplaire, commence mal. Radovan Karadzic, l’ancien leader des Serbes de Bosnie accusé de génocide, a refusé de se présenter à la première audience et réclame plus de temps pour se préparer. L’homme n’en est, il est vrai, pas à sa première parade.
Un procès historique devait s’ouvrir ce lundi à La Haye. Celui de Radovan Karadzic, l’ex-chef politique des Serbes de Bosnie, accusé de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide, pour son rôle dans la guerre de Bosnie (1992-1995). Ce procès a dû être ajourné, Radovan Karadzic prétextant n’être pas prêt. Il assure seul sa défense et a demandé à plusieurs reprises le report de l’ouverture de l’audience afin de mieux se préparer, notamment en compulsant le million de pages du dossier. Lundi, il ne s’est tout bonnement pas présenté au Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Après quinze minutes, le tribunal a donc différé l’audience à mardi après-midi.
Lundi soir, les avocats du « boucher de Sarajevo » qui le conseillent en coulisses, ont indiqué qu’il ne viendrait pas non plus mardi. Dès lors, le juge sud-coréen O-Gon Kwon pourrait décider d’instruire l’affaire sans la présence du prévenu, en nommant un avocat d’office. Radovan Karadzic a déjà fait savoir qu’il ne communiquerait pas avec un avocat assigné par le tribunal.
L’art de l’esquive
Le boycott de son propre procès est une stratégie à laquelle il fallait s’attendre de la part de Radovan Karadzic, qui excelle dans l’art de la dérobade, même depuis la prison de La Haye où il est en détention préventive depuis 2008. En cavale pendant 13 ans, il a finalement été arrêté l’an passé à Belgrade, en Serbie, où il vivait dans la clandestinité. Ancien psychiatre controversé, il a utilisé pour couverture une nouvelle identité, celle d’un gourou, David Dragan Dabic, sorte de marabout porté sur la « radiesthésie ». Il a effacé son histoire, dissimulé son accent de Serbe de Bosnie, a métamorphosé son apparence et, triste ironie de l’histoire, pris en charge des patients en profond mal-être, bien souvent à cause des souvenirs de la guerre. Des fidèles qui, parfois, l’ont aidé à se cacher quand la police était à sa recherche.
Instigateur de la « purification ethnique » en Bosnie, il est notamment rendu responsable du siège de Sarajevo, qui a coûté la vie à près de 10.000 personnes, ainsi que du massacre de 7.000 garçons et hommes musulmans à Srebenica en 1995. Il plaide non-coupable.
Accord secret avec les Américains
Pour l’heure, il caresse même l’espoir d’être laissé en paix par la justice internationale. Dans une ultime tentative, il a adressé un courrier au Conseil de sécurité des Nations unies, réclamant que la communauté internationale reconnaisse un accord qu’il affirme avoir passé avec Richard Holbrooke, l’artisan des accords de Dayton, en 1996. Selon Karadzic, le négociateur américain lui aurait alors promis l’impunité, via une immunité judiciaire, s’il acceptait de se retirer du pouvoir, mettant ainsi fin à la guerre. Il soutient même que Madeleine Albright, alors secrétaire d’Etat américaine, aurait entériné cette promesse. Les principaux intéressés démentent vivement, et aucune preuve écrite n’a pu être produite. Néanmoins, le doute persiste sur la possible existence d’un tel accord.
Fort de ces rumeurs, Radovan Karadzic tente à tout prix de gagner du temps. Pour lui, qui ne reconnaît pas l’autorité du TPIY, sa comparution sera davantage une tribune politique. Pour les survivants en revanche, le coup porté est un outrage. Devant le tribunal de La Haye lundi, des manifestants en colère ont protesté contre le boycott du procès et espèrent bien une condamnation exemplaire, à perpétuité.
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