Obama tergiverse sur l’Afghanistan

Le président américain a déjà revu plusieurs fois sa stratégie sur l’Afghanistan depuis qu’il est entré à la Maison Blanche. Or la situation nécessite justement de prendre une décision et de s’y tenir.

Publié le 27 octobre 2009 Lecture : 4 minutes.

Après huit ans de gouvernement à l’instinct, la plupart des américains ont accueillis les bras ouverts ce président qui pratique la concertation. Oui, faites entrer les experts. Examinez leurs conseils, évaluez-les. Voilà une bonne idée.

C’est particulièrement le cas si vous essayez, par exemple, de réformer le système de santé. (Une honte que cela n’ait pas été tenté avant.) Et c’est encore plus le cas si vous prenez votre temps avant de déclarer une guerre. Mais quand vous êtes déjà engagé dans une bataille, il y a des inconvénients. Les Etats-Unis se battent en Afghanistan depuis huit ans – et ils perdent. Sur cette question, Barack Obama rend la concertation problématique. Il doit prendre une décision ferme.

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La Maison Blanche est très susceptible sur ce sujet et elle esquive la critique en faisant porter la responsabilité par l’administration précédente. M. Obama pose les questions difficiles que son prédécesseur a ignoré, disent-ils. C’est assez vrai : M. Obama a hérité d’une terrible situation – mais l’actuelle indécision est bien la sienne.

Une guerre nécessaire ?

Le nouveau président a dit qu’il s’agissait d’une "guerre nécessaire" et a envoyé 20 000 soldats supplémentaires en Afghanistan au mois de mars. C’était le résultat de sa propre – et parait-il fondamentale – révision des stratégies. Depuis, le commandant que M. Obama a choisi, Stanley McChrystal, a dit que les talibans étaient en train de gagner, et a demandé jusqu’à 80 000 soldats supplémentaires d’après la rumeur, avec un compromis à 40 000. D’un coup, la Maison Blanche se met à repenser cette "nécessité". La stratégie adoptée il y a tout juste six mois – une guerre contre-insurectionnelle avec des moyens adaptés – est maintenant elle-même revue…

La situation s’est récemment aggravée. Il y a de nouveaux faits à prendre en considération. Mais remarquez que l’un des plus importants revers – le cafouillage des élections afghanes – est en partie de la faute de cette administration.

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La dernière excuse en date pour justifier l’attente a été avancée par Rahm Emanuel, le chef du personnel de la Maison Blanche, la semaine dernière : il serait incorrect de décider quoi que ce soit tant que les Etats-Unis n’auront pas de partenaires légitimes à Kaboul. C’est déconcertant. Si l’engagement des Etats-Unis en Afghanistan dépendait du résultat d’une élection légitime, pourquoi les Etats-Unis et leurs alliés n’ont ils pas veillé à ce qu’elles soient régulières ? L’importance de la fraude était stupéfiante. Les Etats-Unis l’ont anticipé, mais n’ont rien fait.

De toute façon, l’argument de M. Emanuel en faveur d’un délai était immédiatement contredit par Robert Gates, le secrétaire à la défense. La nouvelle stratégie de l’administration ne peut pas attendre un gouvernement complètement légitime a-t-il expliqué. Quel que soit le résultat du second tour du 7 novembre, il ne convaincra pas les Afghans de faire confiance à leur gouvernement. Si cela se passe bien, dit-il, ce sera simplement un pas dans la bonne direction. Les Etats-Unis doivent choisir une stratégie "dans le contexte d’une situation qui évolue".

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Aubaine pour les talibans

Semaine après semaine, la confusion de cette administration rend les choses plus difficiles. Quelle aubaine pour les talibans. Dans son discours à Londres ce mois-ci, le Général McChrystal a dit : "l’incertitude décourage nos alliés et fortifie nos ennemis". Après des mois de lutte sur ce sujet, l’incertitude est tout ce que la Maison Blanche a obtenu.

Que doit faire Obama ? Il n’y a pas de bonnes solutions, mais certaines sont pires que d’autres. Un retrait précipité – rendre le pays aux talibans – serait un désastre, surtout pour les afghans. Le président a dit, et il faut le mettre à son crédit, que c’était hors de question.

Mais le risque des autres choix, c’est qu’en cas d’erreur, le retrait précipité aurait lieu de toute façon. C’est pourquoi il est essentiel d’attribuer les moyens adéquats, mais définis, pour remplir les objectifs. L’atout le plus important étant le soutien de l’opinion, M. Obama doit choisir une stratégie et s’y tenir – et pour s’y tenir, il doit aussi convaincre.

Les reports et l’indécision rendent cela plus difficile aussi. En attendant, dans le vide créé par ces atermoiements, le débat public a été mal cadré. La question n’est pas de savoir s’il faut se retirer complètement, engager 40 000 soldats supplémentaires pour une contre-insurection complète, ou de trouver un compromis. Une stratégie de contre-insurrection réelle demanderait plus de 600 000 soldats. Or un envoi de 40 000 soldats supplémentaires porterait le total des troupes alliées à moins de la moitié.

Un accroissement de cette ampleur créerait une tension politique et serait encore trop faible pour gagner. Dans un futur prévisible, il n’y aura pas de victoire en Afghanistan. Ce ne serait pas non plus suffisant pour stabiliser la situation. Si le Général McChrystal a raison, cela suffirait peut-être à tenir les talibans à distance, à condition que les forces Afghanes soient formées et que le le gouvernement afghan s’améliore.

C’est le choix qui semble le moins mauvais bien sûr. Un plus petit renfort mettrait les soldats déjà engagés en danger – à moins que les objectifs soient revus à la baisse, en laissant plus de terrain aux talibans. Ce serait un triste option, mais on pourrait l’envisager.

Le point le plus important est le suivant. Si les alliés continuent de vouloir en faire trop avec trop peu, comme ils l’ont fait jusqu’ici, la perspective est une défaite d’abord lente puis brutale. Quel que soit le choix de cette administration, il doit accorder les moyens aux objectifs, s’expliquer clairement, et pour l’amour du ciel, prendre une décision ferme.

Financial Times (Clive Crook) et jeuneafrique.com

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