Rififi à l’Unesco
Au terme d’un vote à rebondissements, c’est finalement la diplomate bulgare Irina Bokova qui a remporté l’élection au poste de directeur général de l’Unesco. Son challenger, l’Egyptien Farouk Hosni pourtant parti grand favori, crie au scandale.
Pressions. Pots-de-vin. Lobbying. Une machine bien huilée destinée à l’évincer. Selon Farouk Hosni, candidat malheureux au scrutin à cinq tours qui a désigné le successeur du Japonais Koïchiro Matsuura à la tête de l’Unesco, l’élection a été « politisée ». Parti favori, avec notamment le soutien de la France qui abrite le siège de l’institution onusienne chargée de la science, de l’éducation et de la culture, Farouk Hosni, ministre égyptien de la Culture depuis 22 ans, n’a pas obtenu les 30 voix nécessaires à son élection. Contre toute attente, c’est l’ambassadrice de la Bulgarie en France, Irina Bokova, qui a raflé la majorité, avec 31 votes favorables contre 27 pour son adversaire.
A peine avait-il le pied posé sur le tarmac égyptien, que ce polyglotte, cultivé et raffiné de surcroît s’en est pris d’abord à la presse jugée « partisane », avant de dénoncer les « pressions sionistes » qui selon lui, avec l’aide des Etats-Unis, ont travaillé dans l’ombre à le faire échouer.
Propos antisémites
Incontestablement, cette élection, la plus disputée depuis la naissance de l’antenne onusienne en 1945 renfermait un enjeu diplomatique risqué. Ces derniers mois de campagne électorale, la candidature égyptienne a été entachée par plusieurs scandales, qui n’ont pas échappé au comité exécutif de l’Unesco. Dans une lettre ouverte, le Prix Nobel de la Paix Simon Wiesel, le cinéaste Claude Lanzmann et le philosophe Bernard-Henry Lévy ont dénoncé des propos antisémites tenus par Farouk Hosni en mai 2008. « Je les brûlerai moi-même » avait-il déclaré au sujet des livres en hébreu renfermés dans la grande bibliothèque d’Alexandrie.
Bien qu’il se soit récemment excusé pour ces propos « sortis de leur contexte », le ministre a été confronté à d’autres de ses déclarations, datées celles-là de 1997. « Les juifs volent notre histoire et notre civilisation. Ils n’ont pas de pays et ne méritent pas d’en avoir », aurait-il alors déclaré.
Taxé d’antisémite et d’anti-israéliens, Farouk Hosni déplaît également à de nombreuses puissances étrangères de par ses agissements au ministère de la Culture. On lui reproche notamment de faire trop souvent jouer la censure, et d’être opposé à certains bloggeurs et écrivains. Enfin, mardi, dernier jour du scrutin, la presse française révèle que des documents attestant des rapports entretenus entre le candidat controversé et les services secrets égyptiens circulent dans les couloirs de l’Unesco. Ils auraient achevés de convaincre les électeurs indécis.
Volte-face de la France
Il était tacitement convenu que le futur chef de l’Unesco représenterait le monde arabo-musulman. Farouk Hosni était donc quasi-assuré de rempoter le scrutin. Il bénéficiait par ailleurs du soutien français, Nicolas Sarkozy comptant beaucoup sur le président Moubarak -dont Hosni est très proche – pour appuyer le projet d’Union pour la Méditerranée (UPM) laissé en jachère.
Mais en Egypte, les premiers journaux qui ont commenté, dépités, le résultat de l’élection, prêtent à la France une position ambigüe. Censément neutre, puisqu’elle héberge le siège de l’Unesco, elle aurait pourtant fait discrètement campagne en faveur de Farouk Hosni avant de le trahir, toujours aussi discrètement. Le quotidien français Le Monde explique dans son édition numérique du 23 septembre, qu’elle aurait prié Hosni Moubarak de changer de candidat. Essuyant un refus, la France aurait alors fait pression sur plusieurs pays européens, jusque là soucieux de favoriser l’ouverture au monde arabe. Ainsi, toujours selon Le Monde, l’Italie, le Portugal et la France seraient à l’origine du retournement de situation final, et de l’élection d’Irina Bokova.
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