Le Nigeria outré par le film District 9
Le gouvernement nigérian s’est dit offensé par District 9, un film de science-fiction américano-néo-zélandais qui, selon lui, ternit l’image du pays. Avec en toile de fond extra-terrestres et gangs cannibales, la guerre est ouverte.
District 9, c’est le dernier « blockbuster » de science-fiction mâtiné d’extraits documentaires, à moyen budget mais qui, contre toute attente, a explosé en quelques semaines le box-office aux Etats-Unis, avant de s’attaquer au reste du monde.
Il était bien parti pour tout rafler sur son passage, comme en témoignent les scores d’audience réalisés en France depuis sa sortie mercredi dernier. C’était compter sans le courroux du Nigeria.
Obasanjo, chef de bande et cannibale
En cause, l’image négative de la population véhiculée, aux dires des plaignants, par le scénario. District 9 met notamment en scène un chef de gang nigérian qui fait régner la terreur dans un township sud-africain. Obasanjo – c’est son nom, qui n’est pas sans rappeler le patronyme de l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo – est cannibale à ses heures, et ses effrayants subalternes n’ont rien à lui envier. Gangsters, criminels ou prostituées,… ç’en était trop pour les Nigérians.
Un groupe a été crée sur Facebook, qui appelle au boycott du film, taxé d’ « exploiter l’histoire de l’Apartheid » pour faire passer les Africains, et notamment les Nigérians, « pour des sauvages ».
Pire, Dora Akuniyili, la ministre nigériane de l’Information, a adressée un courrier circonstancié à Sony, distributeur du film, en lui demandant de retirer de District 9 toutes les allusions à son peuple. « Nous sommes vraiment blessés car le film dénigre clairement l’image du Nigéria, en nous dépeignant comme des cannibales et des criminels », a déclaré la ministre à la BBC. Les salles de cinémas d’Abuja se sont vues pour leur part retirer toute autorisation d’exploiter les bobines du film.
Apartheid à la sauce crevettes
Neill Blomkamp, le réalisateur de District 9, est né à Johannesburg en Afrique du Sud et a choisi les faubourgs de sa ville natale pour tourner un film à la frontière des genres. District 9 raconte l’histoire de la ségrégation raciale par un truchement hallucinant.
Un millions de réfugiés aliens parqués dans un township de Johannesburg depuis près de 30 ans sont la cible de toutes les intolérances, entre misère et exploitation. Mi-crevettes mi-insectes géants, ils doivent cohabiter tant bien que mal dans ce District 9, allusion claire au District 6 dans lequel la population noire stigmatisée avait été regroupée par les Blancs pendant l’apartheid.
L’idée est de montrer, sans pour autant faire la leçon, la réalité de la xénophobie. Un racisme autrefois dirigé par les Blancs contre la communauté sud-africaine noire, à l’époque la plus sombre de son Histoire, et qui persistent ces dernières années dans les bidonvilles de Johannesburg, se tournant cette fois-ci contre les étrangers immigrés depuis les pays voisins afin de trouver du travail.
S’il revendique ces références politiques, Neill Blomkamp souhaite aussi que son film soit perçu comme un simple divertissement. Son entourage souligne que le Nigeria n’est pas particulièrement visé, et que d’autres nations ne sont pas non plus ménagées. La thématique du rejet est donc ici à méditer dans sa dimension universelle, et concerne autant les pauvres ou les Noirs que…les extra-terrestres.
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