Afghanistan : la farce électorale
Le président sortant Hamid Karzaï a recueilli 54,6% des voix au premier tour de l’élection présidentielle du 20 août en Afghanistan, selon les résultats globaux publiés le 16 septembre par la commission électorale. Bourrage d’urnes, centaines de bureaux de vote fantômes… les nombreuses et flagrantes irrégularités observées dans toute les provinces au cours du scrutin inquiètent la communauté internationale.
Observateurs et diplomates occidentaux sont divisés sur la conduite à tenir. On les comprend : la communauté internationale a tout de même englouti la coquette somme de 225 millions de dollars dans l’organisation de ce scrutin loufoque, censé apporter aux Afghans les joies de la démocratie triomphante. Que faire pour atténuer, sinon rattraper ce ratage ?
Le 6 septembre, la Commission électorale afghane (IEC), présidée par un juriste nommé par le chef de l’État (et candidat) Hamid Karzaï, avait évoqué la possibilité d’annuler 400 000 bulletins avant de se rétracter, dès le lendemain. Elle n’en a finalement annulé « que » 200 000, avant de proclamer des résultats partiels, portant sur 93% des bulletins : Karzaï (54%) devancerait nettement Abdullah Abdullah (28%). Mais l’ancien ministre des Affaires étrangères soutient, depuis le soir du scrutin, qu’il a été volé comme dans un bois. De fait, il semble que les fraudes constatées favorisent le chef de l’État sortant.
De son côté, la Commission des plaintes électorales (ECC), un organisme indépendant présidé par le Canadien Grant Kippen, a ordonné de recompter les bulletins chaque fois qu’une urne en contenait plus de six cents, et chaque fois que l’un des candidats avait recueilli plus de 95% des suffrages. Cette mesure sera-t-elle suffisante pour convaincre les Afghans que Karzaï, certes arrivé en tête, a franchi la barre des 50% nécessaires pour être élu au premier tour ? Rien n’est moins sûr.
Dès lors, faut-il le pousser à accepter un second tour ? Richard Holbrooke, l’envoyé spécial des États-Unis dans la région, n’y était pas parvenu, le 23 août. Leur discussion avait même été houleuse. Aujourd’hui encore, Karzaï s’y refuse. Bref, l’onctueux Pachtoune est en pleine rébellion. Il ne veut plus passer pour la marionnette de Washington – l’un des griefs qui lui était le plus souvent fait, avec la corruption et l’inefficacité de son gouvernement. En parallèle, les diplomates occidentaux s’attellent, en coulisses, à lui faire accepter un gouvernement d’alliance dans lequel son rival, Abdullah Abdullah, deviendrait son « super-Premier ministre ». Un compromis que le bouillant Tadjik rejette avec la même virulence que Karzaï, du moins pour le moment.
Toutes ces gabegies font le jeu des talibans, qui progressent dans l’ensemble du pays et commettent désormais des attentats jusque dans Kaboul. Sur le plan militaire, la situation est préoccupante : plus de 300 soldats de la coalition occidentale ont été tués, depuis le début de 2009. Un record depuis le début de cette guerre, en 2001. La France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne réclament la tenue d’une conférence internationale. « L’Afghanistan, ce n’est pas le Vietnam », s’est empressé de déclarer Barack Obama à un journaliste du New York Times. Voire… Mais en attendant, c’est une belle pagaille !
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