Guinée : Dadis, les médias et la censure
Le leader de la junte guinéenne Moussa Dadis Camara tolère mal la campagne dénonçant son éventuelle candidature à la présidentielle de 2010. Pour affaiblir la contestation, le capitaine putschiste tente de contrôler les canaux de communication.
La liberté de Dadis commence-t-elle là où celle des autres s’arrête ? Le chef de la junte guinéenne semble le laisser penser. Ces dernières semaines, le régime militaire au pouvoir depuis le 23 décembre 2008 a pris des mesures restrictives affectant la téléphonie et les médias – des canaux par lesquels une partie du peuple véhicule son sentiment anti-Dadis.
Fin août, des militaires du Conseil National pour la Démocratie et le Développement (CNDD, junte) auraient rendu visite aux dirigeants de certaines compagnies de téléphonie mobile. Une simple visite de courtoisie ? Pas vraiment. Selon plusieurs médias, les messagers en treillis venaient demander le « blocage » ou la surveillance du contenu des SMS.
Les radios dans le collimateur
Chez Areeba et Cellcom, les employés des centres d’appel contactés par jeuneafrique.com affirment n’avoir pas eu connaissance d’une telle visite. Tout au plus évoque-t-ils qu’à cette période la direction des sociétés leur avait demandé d’avertir les clients que, suite à un « problème technique », l’émission et l’envoi de textos était temporairement suspendus.
Plus officiel, le 1er septembre, une vingtaine de radios privées ont appris par voie de communiqué « l’interdiction jusqu’à nouvel ordre des sujets politiques dans tout type d’émission interactive et ce dans toutes les langues ». Une consigne émanant du Conseil national de la communication (CNC).
L’organe de régulation s’est défendu de museler les médias, arguant que l’objectif était d’éviter les dérapages susceptibles d’entraîner une instabilité. Sans doute une allusion aux auditeurs qui contestaient, parfois très violemment, une probable candidature de Moussa Dadis Camara à la présidentielle du 31 janvier 2010. Une contestation qui prend de l’ampleur.
Contestation populaire
La communauté internationale, les « forces vives » (syndicats, partis et ONG) et le récent Mouvement Dadis doit partir (MDDP) s’opposent en effet à un tel projet. Pour faire passer le message, le MDDP avait d’ailleurs organisé le 30 août une manifestation, trois jours après la première marche anti-Dadis, dont la foule avait été mobilisée par SMS…
Dans ce contexte, les mesures liberticides de la junte donnent du grain à moudre à ceux qui l’accusent de dérive totalitaire. D’autant que ce n’est pas la première fois qu’elle cherche à mettre les médias au pas. En juillet, le CNDD avait annoncé que « des troupes massées le long des frontières Nord (Guinée-Bissau et Casamance) et Sud (Liberia) seraient prêtes à attaquer la Guinée ».
Répondant à ceux qui l’accusaient de manœuvrer pour rester plus longtemps au pouvoir, le CNDD s’était montré menaçant. « Tout leader politique qui va tenter de détourner l’attention des populations en disant qu’il ne peut y avoir d’élections parce que la Guinée est menacée d’attaques sera poursuivi, avait lâché le pouvoir. Cela est valable aussi pour les journalistes, toute radio qui va parler de ça sera fermée et accusée de désinformation. »
Reste que, si les putschistes savent se montrer intransigeants, ils savent aussi caresser dans le sens du poil. Le ministre d’Etat chargé de la Communication, Tibou Kamara, a ainsi facilité en début de semaine une rencontre entre le CNC et l’Union des radios et télévisions libres de Guinée (Urtelgui), très remontée contre l’interdiction des émissions interactives.
Initiative fructueuse : le 8 septembre, le président du CNC, Jean Raymond Soumah, annonçait la levée de la mesure controversée. En invitant une nouvelle fois « les journalistes au respect des lois, de l’éthique et de la déontologie et à faire preuve de sens de responsabilité et de professionnalisme dans la conduite de ces émissions ».
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