Un ramadan à la plage

CETTE ANNÉE, LE RAMADAN a surpris les vacanciers en plein été. Catastrophe ? Pas du tout ! Je dirais même que c’est une chance pour celui qui, comme moi à Hammamet, en Tunisie, s’attarde encore sur les plages, peu pressé de retrouver la grisaille parisienne. Du reste, si vous voulez m’imiter, je vous donne la recette d’une journée d’été indien à la sauce « ramadanesque ».

Publié le 8 septembre 2009 Lecture : 2 minutes.

D’abord, vous êtes assuré de bien dormir le matin, car votre voisin, qui a mangé la bouza, crème typique du saint mois, et a veillé jusqu’à des heures pas possibles à jouer aux cartes, est encore dans les bras de Morphée. L’autre voisin, celui qui est allé travailler très tôt, a rejoint son bureau « un pas en avant, un pas en arrière », comme dit l’expression locale, et il sait qu’il ne produira pas grand-chose de la journée : ramadan sur fond de sirocco, c’est un second congé qui commence… Et en revenant vers 14 heures, la faim et la soif le tenaillent si fort, la chaleur est telle qu’il n’osera plus hausser la voix ni montrer le nez. Sauf pour les courses, avec Madame, bien souvent.

Quant à vous, je vous conseille de faire un tour au Monoprix du coin dans la matinée, avant que la foule n’y arrive en force. Surtout pas l’après-midi, c’est la ruée, et la faim est mauvaise conseillère : elle transforme un bout de croûton dur en délicieux gâteau pour lequel le jeûneur est prêt à se battre jusqu’au sang. En quelques secondes, tout est raflé. Le lait ? Il n’y en a plus. Le yaourt ? La marque X a été soufflée. Les oeufs ? Revenez demain matin. « C’est la pénurie ou quoi ? » proteste le « ramadanisant » prompt à s’énerver. Non, mais les gens achètent plus qu’ils ne consomment, c’est tout. « Ramadan, c’est fait pour sentir la faim des pauvres, pas pour se goinfrer », prêche une ménagère de 50 ans au voile ostensible qui nargue le décolleté d’à côté, une militante des Femmes démocrates si ça se trouve, qui ne réplique pas. Ramadan, c’est fait pour ne contredire aucune consigne d’Allah, même si ça ne dure qu’un petit mois…

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À l’heure de la sieste, ne craignez pas les pelleteuses du chantier tout proche, elles se sont tues. Normal, beaucoup de maçons se transforment, pendant cette période, en fabricants de feuilles de brick dont ils fournissent les petits magasins d’alimentation. Entre-temps, votre voisine a quitté son bureau, où elle avait profité d’un moment de fatigue du patron pour écosser à la dérobée quelques petits pois congelés depuis l’hiver et jalousement gardés pour « sidi ramadan ». De retour dans sa cuisine transformée en hammam par ces grandes chaleurs, Madame est heureuse à l’idée de s’installer bientôt devant sa télé pour voir Maktoub, le feuilleton quotidien qui fait un tabac, fûtil entrecoupé de quinze minutes – chronomètre en main – de publicités à chaque épisode (les sadiques !)…

Il est 17 heures, ça y est, vous pouvez reprendre le chemin de la plage. Que des hommes et des gamins, les femmes sont aux fourneaux. Et vers 19 heures, lorsque le coup de canon annonce la rupture du jeûne, retournez-vous, tout le monde a disparu, comme par miracle ! Vous voilà seul au milieu des vagues. Le ciel, la Grande Bleue et le fort de la médina, qui flamboie soudain au crépuscule. Jamais autant aimé les plages d’Hammamet

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