La France sur ses gardes

Une fièvre anti-française s’est emparée de Port-Gentil après l’annonce de la victoire d’Ali Bongo Ondimba à la présidentielle du 30 août. Si un calme précaire était revenu lundi dans la cité portuaire, les expatriés et les compagnies hexagonales restent attentistes.

Publié le 8 septembre 2009 Lecture : 4 minutes.

La France, dommage collatéral de la présidentielle du 30 août ? A Port-Gentil, deuxième ville du Gabon, l’annonce jeudi dernier de la victoire d’Ali Bongo Ondimba a provoqué des émeutes ayant fait trois morts. Sur le plan matériel, si des magasins appartenant aux nationaux ont été saccagés et pillés, les intérêts français ont également été visés.

Colère aveugle ? Pas vraiment. Certains casseurs considèrent que le fils aîné d’Omar Bongo Ondimba, décédé début juin après 41 ans au pouvoir, doit à l’ancienne puissance coloniale son accession à la magistrature suprême. Paris, qui a félicité lundi le nouveau président, avait pourtant martelé à plusieurs reprises ne pas avoir de « candidat ».

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Sans doute son message a-t-il été brouillé par les déclarations de l’avocat Robert Bourgi. Dans un entretien accordé au journal Le Monde, ce proche de Nicolas Sarkozy et chantre de la « Françafrique » avait déclaré que l’ex-ministre de la Défense était « le meilleur défenseur des intérêts français dans tous les domaines ».

Reste que ce sont entre 70 et 80 militaires français du 6e Bataillon d’infanterie de marine (Bima) qui ont pris position jeudi devant le consulat de France de Port-Gentil, « partiellement incendié et saccagé ».

1 000 militaires prêts à intervenir

Ce dispositif de quelque 1 000 soldats est en effet en partie chargé de protéger les 10 402 expatriés (8 193 à Libreville et 2 209 à Port-Gentil) recensés au 1er décembre 2008 et les sociétés hexagonales installées dans le petit Etat pétrolier d’Afrique centrale.

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Selon la Maison des Français de l’Etranger (MFE), « les ressortissants français sont répartis dans tous les secteurs d’activité du pays » et « plus de 150 filiales ou succursales d’entreprises françaises sont implantées au Gabon, parmi lesquelles Elf Gabon, des sociétés de travaux publics (Bouygues, Sogea), des banques (filiales de la BNP-Paribas, du Crédit Lyonnais, de la Société Générale), des assurances (filiales d’Axa, la Préservatrice) ».

Sans oublier Total Gabon, seule compagnie française victime de la vindicte populaire, selon le ministère français des Affaires étrangères. « Des dommages matériels sont survenus dans trois stations services et ainsi qu’au centre « Roger Buttin », le centre social de Total Gabon à Port Gentil. Aucun collaborateur gabonais ou expatrié n’a été blessé », indique le site du groupe pétrolier, saluant le « sang-froid » de ses salariés.

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La compagnie précise qu’un « déplacement temporaire de salariés et de leurs familles résidant à Port Gentil, a été organisé dans la journée du 4 septembre, vers Libreville où Total possède également un établissement ». « Le fait d’avoir des installations à Port-Gentil et Libreville nous donne une certaine souplesse de fonctionnement, et la production a été maintenue », conclut Phénélope Semavoine, attachée de presse de Total en France.

Elle ajoute que Total, qui a déjà eu à gérer des crises par le passé, notamment en Afrique, restait « attentif » et allait observer l’évolution de la situation dans les semaines à venir. Des discussions étaient en outre prévues avec les familles afin d’étudier avec elles, au cas par cas, un éventuel retour en France, une évacuation des employés n’étant pas prévue…

Retour à la normale à Libreville

Du côté de la capitale Libreville, après des incidents dans les quartiers populaires, les commerces rouvrent timidement, la circulation reprend et la présence militaire s’est amoindrie, bien que les chars patrouillent la nuit. Les Français ont-ils été pris pour cible ? Aucun événement majeur n’a été signalé. « Le sentiment anti-français est peut-être moins fort que ce que les médias disent », estime Michèle*.

Certes, dans la rue, on la regarde différemment. Mais pas de quoi inquiéter cette Française installée depuis un an et demi dans la capitale gabonaise. Ce qu’elle craint, en revanche, c’est que l’investiture d’Ali Bongo Ondimba, dans les prochains jours, ne provoque à nouveau des troubles. « Il règne un calme étrange. On a le sentiment que quelque chose se trame, que l’opposition ne va pas lâcher aussi facilement », poursuit la jeune expatriée, alors qu’un collectif de candidats a demandé un recompte des voix.

Si la situation devait dégénérer, « l’ensemble de nos ambassades disposent d’un plan d’évacuation actualisé en permanence. Des îlotiers répartis par zone sont chargés de rassembler la communauté française et de l’évacuer si la situation l’exige », rassure-t-on au ministère français des Affaires étrangères.

Quitter le Gabon. Une option qui ne réjouit guère une autre Française vivant à Libreville depuis trente ans avec son mari. « Je ferai tout pour rester ici. C’est mon pays de cœur », assure-t-elle. Elle confie cependant qu’elle pliera bagages si sa sécurité était menacée.

En craignant le pire pour son avenir : « Bernard Kouchner (le ministre Français des Affaires étrangères, ndlr) a dit que tout était prêt en cas de problème, mais ces gens-là parlent beaucoup ! Ils vous accueillent à l’aéroport quand il y a les caméras, et après plus rien ! Les Français qui ont dû quitter la Côte d’Ivoire ont tout quitté mais n’ont eu aucune indemnité… ».

*Le prénom a été changé

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