Pierre-Claver Maganga Moussavou : « On ne peut pas bâtir une économie sur la cueillette »

Pour Pierre-Claver Maganga Moussavou, pas question de se désister pour soutenir un autre candidat à la présidentielle gabonaise du 30 août. De passage à Paris le 12 août pour rencontrer la diaspora gabonaise, l’ancien ministre a confié les grandes lignes de son programme.

Publié le 26 août 2009 Lecture : 5 minutes.

« Je veux que l’homme gabonais soit un homme libre. Et un homme libre, c’est un homme qui a un travail correctement rémunéré, qui dispose d’un logement, qui peut éduquer, soigner, vêtir décemment sa famille… » Pour atteindre son objectif, Pierre-Claver Maganga Moussavou, l’un des 23 candidats à la présidentielle du 30 août, propose un programme sur le développement économique et socio-sanitaire du pays. Candidat malheureux face à Omar Bongo Ondimba en 1993 et 1998, l’ancien ministre de l’Enseignement technologique tente à nouveau sa chance. En espérant que le scrutin sera transparent.

Pourquoi avez-vous tenu à rencontrer les Gabonais de France ?

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Pierre-Claver Maganga Moussavou : Les Gabonais de France, comme les Gabonais ailleurs dans le monde, méritent qu’on s’adresse à eux, qu’on discute, qu’on échange, pour le choix du candidat qui au soir du 30 août va conduire la destinée du pays. Il faut donc se rapprocher, mieux se connaître, mieux se vendre et expliquer son programme et c’est ce que j’ai voulu faire en venant à Paris. […] J’ai toujours dit qu’il fallait écouter tous les candidats. Les a priori font qu’on peut se détourner malencontreusement de bonnes idées et de bonnes personnes à même de prendre la relève et de représenter une véritable alternative qui soit crédible et puisse permettre au Gabon de connaitre un véritable envol.

L’ancien Premier ministre Jean Eyeghe Ndong et l’ex-ministre de l’Intérieur André Mba Obame devaient également rencontrer la diaspora gabonaise à Paris mais n’ont pas pu parce que leur passeport n’a pas été remis à jour depuis leur sortie du gouvernement. Leur mésaventure vous a-t-elle servi de leçon pour vous rendre en France sans encombre ?

Je mentirais si je disais que cette mésaventure ne m’a pas permis de prendre des dispositions et ne pas connaître le même sort que les autres. (…) Mais il va de soit que ce sont des mesures (celles qui ont empêché les deux anciens ministres de voyager, ndlr) de représailles de ceux qui sont au pouvoir.

Pour vous, il s’agir d’un règlement comptes ?

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Ce sont des mesures de représailles pour, dit-on, coller à la loi. Mais en réalité c’est un plus pour montrer que le gouvernement est peut-être plus là pour le candidat issu du PDG alors qu’il devrait veiller à ce que tous les candidats soient traités de la même manière.

Quelles sont les grandes lignes de votre programme ?

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Mon programme repose sur sept piliers.

– L’éthique de développement et du pouvoir : Le problème du Gabon c’est qu’on a perdu un certain nombre de valeurs, que sont l’effort, le courage, l’esprit d’initiative et l’esprit d’abnégation. Il faut que les Gabonais se réapproprient ces valeurs pour transformer ce pays, qui en a grandement besoin. Je prends par ailleurs l’engagement avec tous les Gabonais qu’il y ait plus d’équité et de justice sociale, et que chacun soit rémunéré selon son mérite.

– La création d’une véritable économie : On ne peut pas bâtir une économie sur la cueillette. Toute l’économie repose dessus : l’extraction des minerais de fer, de manganèse, d’uranium, comme l’extraction du pétrole. Il faut créer une véritable économie parce que c’est par ce biais peut multiplier les recherches, créer des emplois, résorber le chômage… et ainsi mieux répartir le revenu national.

– La route : Je voudrais y consacrer 1500 milliards de FCFA sur cinq ans pour avoir 3000 kilomètres de routes bitumées et correctement entretenues. Aujourd’hui, il n’en existe même pas 500 km. C’est malheureux !

– L’éducation, la formation et l’insertion des jeunes : Je vais consacrer 14,7 milliards de FCFA à l’insertion des jeunes qui sortent des universités, des écoles de formation et ne sont pas pris en charge pour l’insertion dans la vie active. Je prévois des mesures incitatives, y compris des mesures fiscales, pour que les entreprises embauchent des jeunes en stage de pré-embauche.

– La santé, la population et le bien-être social : Si le corps social est malade, vous ne pouvez le mener nulle part. Lorsqu’on aura bien investi dans la santé, on pourra s’occuper d’atteindre une population optimale de 5 millions d’habitants à même de favoriser le développement économique et social. Pour cela, il faut notamment mettre en place une politique nataliste et des mesures incitatives en direction des familles nombreuses et à faible revenu.

– La provincialisation : On ne peut pas dans un pays comme le Gabon définir une politique de façon excentrée. La politique de provincialisation repose sur la lutte contre l’exode rural et sur un accroissement des moyens de l’exécutif provincial. Les provinces auront un budget de 180 milliards de FCFA par an, dont 20 milliards par province. Ce budget sera annexé sur celui de l’Etat et contrôlé par l’assemblée nationale. Cela permettre un développement équilibré des provinces.

– La politique de co-développement : il faut que le Gabon soit ouvert à tous les pays, à tous ceux qui veulent y investir, mais à une seule condition : qu’ils ne considèrent plus le Gabon comme étant un pays pourvoyeur de matières premières.

Vous deviez quitter vos fonctions le 14 août et finalement cela s’est fait le 6. La polémique sur les présidentiables toujours ministres vous a-t-elle poussé à avancer la date ?

Ça ne me préoccupait nullement. D’autant qu’alors que Casimir Oye Mba avait conseillé au président de la république de laisser les membres du gouvernement en poste parce que rien ne l’interdisait dans les textes, j’étais le seul à dire au président que je quitterais le gouvernement dès que le conseil constitutionnel se prononcerait. J’ai dû mettre un bémol parce qu’étant en charge de la scolarité des élèves passant le bac, j’ai pensé qu’il fallait attendre la fin des examens. Il s’est trouvé que j’ai eu bien avant les résultats le bac technologique, qu’on pensait durer jusqu’au 14. J’ai démissionné le jeudi 6 août pendant le conseil des ministres, tout en sachant que j’assumerais l’expédition des affaires courantes jusqu’à la passation de service.

Un seul tour, 23 candidats… Avez-vous pensé à des alliances les jours qui précèdent le scrutin ?

J’ai été candidat en 1993, puis en 1998. Constatant que les élections ne se déroulaient pas dans la transparence, j’avais décidé que je ne me présenterais plus tant que le président Bongo serait candidat. Je ne pensais pas qu’il allait partir dans ces conditions. Je pensais qu’il allait quitter le pouvoir et me voir gérer le pays à sa place pour voir la différence. Dieu en a décidé tout autrement. Mais j’avais déjà pris date avec l’histoire pour être candidat. Ce n’est pas maintenant que je vais me retirer parce que je me sentirais dans une quelconque situation. Non.

Et « draguer » d’autres candidats pour qu’ils se rallient à vous ?

Vous avez beau avoir 23 candidats, laissez-les ! Certains n’auront même pas une seule voix. Entre quatre et sept candidats vont émerger. Le reste, ce sera un peu quantité négligeable. Même si sept personnes se démarquent, le vote sera émietté.

Craignez-vous qu’un président mal élu génère des frustrations ?

M’appuyer sur les autres candidats n’est pas pour me déplaire, dans la mesure où je veux travailler avec tout le monde. La loi, c’est la loi. Dure est la loi, mais c’est la loi. Si je suis élu avec 11% des suffrages, j’espère être assez intelligent pour rallier les autres candidats afin qu’ils m’accompagnent et gèrent avec moi le pays, conformément au programme qui a fait que je sorte du lot.

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