Ablassé Ouédraogo : « Le plus dur reste à faire »

Dans un entretien accordé à Jeuneafrique.com, le médiateur de l’Union Africaine (UA) pour la résolution de la crise malgache, aux côtés de l’ancien président Joaquim Chissano, d’Edem Kodjo et de Tiébilé Drame, revient sur le climat ayant prévalu à la signature, le 9 août, de l’accord de Maputo. Et évoque sa mise en application.

Publié le 12 août 2009 Lecture : 5 minutes.

Dans quelle atmosphère les pourparlers de Maputo se sont-ils tenus?

Rappelons que le processus de recherche d’une solution à la crise que vit Madagascar depuis décembre 2008 est conduit sous l’égide de l’Union Africaine. La rencontre entre les principaux responsables politiques de l’île, à savoir les anciens Présidents Albert Zafy, Didier Ratsiraka, Marc Ravalomana et l’actuel président de la Haute Autorité de la Transition Andry Rajoelina a été décidée par le groupe international de contact sur Madagascar réuni le 22 juillet dernier à Addis-Abeba.

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Le Sommet de Maputo a donc fait l’objet d’une préparation minutieuse qui a permis de désamorcer toutes les tensions possibles. Nous craignions le choc de la première rencontre des quatre personnalités. Finalement, tout s’est passé dans une ambiance bon enfant et fraternelle. Parce que l’atmosphère était bonne, le Sommet a été couronné de succès. Il faut reconnaître que le sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement des pays de la SADC, le 20 juillet 2009, à Sandton, en Afrique du Sud, a beaucoup aidé au retour de la confiance entre Malgaches.

Qu’est ce qui fut et reste le plus difficile dans cette médiation?

Toute médiation est par nature complexe. C’est un exercice où tous les protagonistes doivent sortir gagnants. Maputo ne constitue qu’une étape du processus devant conduire à un nouvel ordre constitutionnel à Madagascar. Signer un accord est une chose, le mettre en œuvre en est une autre. Le plus dur reste à faire.

La répartition des responsabilités dans les institutions de transition doit être réglée. Cela se fera dans les prochains jours. Nous comptons sur la volonté politique des uns et des autres pour parachever le processus.

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Comment Marc Ravalomanana a-t-il été convaincu de ne pas participer à cette transition?

Nous avons suspendu les négociations sur la Charte de la Transition à l’Hôtel Carlton d’Antananarivo le 16 juin dernier –  alors que nous étions sur le point de conclure – , à cause, d’une part, des préalables posés par le président Ratsiraka concernant l’annulation des décisions de justice liés aux événements de 2002 et, d’autre part, par Marc Ravalomanana à propos de son retour à Madagascar.

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Ces chefs de file des principales mouvances politiques malgaches ont compris que Maputo serait pour eux la dernière chance de résoudre la crise. Chacun d’eux a donc joué de manière constructive en plaçant l’intérêt supérieur du pays au-dessus de leur personne et en acceptant les concessions. Ils ont toutefois reconnu que la tension persistait sur la Grande Ile et que le retour de Ravalomanana n’était pas encore opportun car pouvant engendrer une guerre civile voire même un génocide. D’ailleurs, la sécurité physique de Marc Ravalomanana ne serait pas garantie s’il rentrait aujourd’hui. Celui-ci a donc courageusement pris la décision de différer ce retour jusqu’à ce que les conditions favorables soient réunies.

L’accord ne va-t-il pas achopper sur la distribution des postes ministériels?

Nous restons optimistes quant au consensus que trouveront les acteurs politiques malgaches à propos du partage des responsabilités durant cette transition qui ne doit pas excéder quinze mois. Mais Madagascar compte près de 22 millions d’habitants et environ 185 partis. La répartition qui sera décidée ne fera pas forcément que des heureux.

Rajoelina est-il prêt à faire d’autres concessions, notamment au sein du futur gouvernement?

Toutes les parties prenantes à l’accord devront les accepter. C’est un exercice dans lequel tous les protagonistes devront avoir le sentiment de gagner quelque chose. Rajoelina, tout comme les autres acteurs, ont déjà abandonné beaucoup à Maputo. Nous sommes convaincus qu’il sera habité par le même esprit pour aborder les prochaines étapes du processus, y compris celle de la composition des institutions, en particulier le gouvernement d’union nationale qui aura à sa tête un Premier ministre ainsi que trois vice-Premiers ministres, et qui comprendra 28 ministres.

Dans cet exercice du partage du pouvoir, l’équilibre régional et ethnique sera important. Il faudra également tenir compte du fait que des responsables Malgaches existent en dehors des quatre mouvances présentes à ces négociations.

Comment garantir que l’esprit de Maputo puisse être respecté ?

La mise en œuvre de la Charte de la Transition et celle de l’Accord politique est peut être plus difficile que leur signature. Ce qui est certain, en revanche, c’est que la communauté internationale n’abandonnera pas Madagascar. Elle accompagnera ce pays jusqu’à la fin du processus qui se traduira par des législatives, une présidentielle, et la mise place des institutions de la 4ème République.

Le conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine reste saisi du dossier. Une réunion de cette instance aura lieu dans les prochains jours pour apprécier les résultats de Maputo et faciliter le suivi de l’exécution de l’accord politique.

L’association des anciens présidents Ratsiraka et Zafy était-elle opportune?

Pour réussir la sortie de crise il fallait associer tout le monde, notamment ceux qui sont à la base de cette crise. A Madagascar comme partout ailleurs c’est l’individu qui fait la politique, non l’inverse. L’apport des anciens présidents Zafy et Ratsiraka à la paix est donc essentiel. D’ailleurs, les origines de la crise de 2009 ne datent pas d’aujourd’hui. Le processus en cours à Madagascar se veut inclusif. Personne ne doit être mis de côté.

L’idée de conforter Raejolina dans sa fonction n’est-ce pas le mettre en position de futur vainqueur de la présidentielle?

Sa candidature à la présidence de la République n’est pas une priorité. C’est ce qu’il a répété tout au long des négociations. Sa préoccupation est plutôt de sortir Madagascar de la pauvreté et du sous-développement. Nous espérons qu’il prendra la meilleure décision pour lui-même et Madagascar le moment venu.

Le retour de Ravalomanana dans son pays ne risque-t-il pas de déclencher des troubles ?

Maputo a eu le grand mérite de régler le cas du président Ravalomanana. C’est d’ailleurs de son propre gré qu’il a adressé un message en malagasy et en français à ses compatriotes dans la soirée du 8 août en les appelant au calme. Il a également indiqué qu’il ne s’impliquera pas personnellement dans la gestion de la transition préférant attendre l’instauration d’un environnement sécuritaire favorable pour son retour.

En contrepartie, la protection de ses biens et de ceux de sa famille ; l’annulation du jugement d’avril 2009 relatif à l’achat de l’avion présidentiel ainsi que la libération de ses partisans actuellement emprisonnés ou en résidence surveillée, lui ont été garanties. Si ces décisions sont exécutées, nous n’entrevoyons qu’une perspective de paix sur la Grande Ile.

Consultez l’ Accord Politique de Maputo (doc 1) et la Charte de la transition (doc 2) en cliquant sur les images:

 

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