Grippe A en Afrique : les réponses à toutes vos questions
La grippe A (H1N1) alimente tous les fantasmes et suscite jusqu’aux interrogations les plus folles. Jeuneafrique.com a fait appel à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et à Médecins Sans Frontières (MSF) afin de décrypter le vrai du faux et faire un point complet de la situation sur le continent africain.
Quels sont les pays africains les plus touchés par le virus ?
A la date du 6 juillet 2009, l’OMS relève pour l’Afrique subsaharienne des malades en Afrique du Sud (18), en Ouganda (1), au Kenya (15), en Ethiopie (3) et en Côte d’Ivoire (2). 78 cas sont par ailleurs recensés en Egypte, 17 au Maroc, 5 en Algérie, 5 en Tunisie et 1 en Libye. Les chiffres alarmants qui circulent dans la presse et sur Internet sont donc à manier avec précaution. Ils ne reflètent pas tout le temps la réalité, et prennent parfois en compte des malades « présumés » de la grippe A. Or l’OMS ne recense que les cas « confirmés », c’est-à-dire diagnostiqués et déclarés comme porteurs du virus.
L’Afrique est-elle en mesure de faire face, seule, à une recrudescence du nombre de malades ?
Il n’y a pas de plan d’envergure mis en place pour les régions du monde. En Afrique comme ailleurs, l’épidémie est gérée au niveau national à travers les ministères de la Santé ou leurs équivalents. Cependant, « l’OMS est en train de coordonner une réponse plus massive, même si les informations sur l’Afrique restent très succinctes, et si les moyens y sont forcément moindres », commente Jean Rigal, directeur médical au sein de l’ONG Médecins Sans Frontières (MSF). Selon ce dernier, il faut privilégier des plans d’action rationnels plutôt qu’une politique d’extrême précaution. En clair, traiter les cas déjà infectés.
L’Afrique possède-t-elle des stocks de Tamiflu ?
Il est difficile de connaître les quantités exactes de médicaments dans les pays du Sud, notamment en Afrique. L’OMS, qui assure avoir distribué plus d’un million de doses dans la Région Afrique, travaille en partenariat avec les laboratoires pour que les pays en développement ne soient pas tenus à l’écart.
Selon MSF, qui parle d’« efficacité illusoire », quelle que soit sa disponibilité en Afrique, le Tamiflu reste un médicament onéreux (25 euros le traitement). Il ne faut donc pas compter sur cette prophylaxie pour soigner massivement les populations touchées.
L’OMS essaie actuellement de faire produire le vaccin en Inde afin de réduire les coûts, et de créer un générique. Reste que le Tamiflu n’est efficace que dans les premières 48h après la contamination, ce qui laisse très peu de temps à une personne malade pour détecter ses symptômes et se rendre dans un centre de soins. Enfin, des cas de résistance au médicament ont été relevés.
De quelle manière les ONG et les antennes des organismes internationaux peuvent-ils agir sur le terrain ?
MSF, qui précise n’en être qu’aux recommandations, se dit prête à entrer en action dès que le besoin s’en fera ressentir. L’organisation préconise de soutenir au mieux les réseaux de surveillance de propagation de grippe A afin de réagir au plus vite sur les foyers de malades. Il s’agit surtout de renforcer les effectifs africains de personnel soignant, incapables de faire face seuls, faute de moyens.
L’OMS met à disposition des pays africains un support technique via son bureau pour la Région Afrique, situé à Brazzaville, au Congo, ainsi que par l’intermédiaire de ses bureaux nationaux.
L’Afrique peut-elle compter sur le vaccin lorsqu’il sera au point ?
MSF est catégorique : « Il ne faut pas compter sur les vaccinations de masse pour juguler l’épidémie ». Actuellement, le vaccin n’est pas encore au point et ne le sera que dans plusieurs mois. Si le pic de grippe survient à l’automne, il sera trop tard pour une vaccination préventive. Sans compter qu’on ne connaît pas l’efficacité de ce vaccin, dont on ne sait, au final, presque rien. Par ailleurs, les pays industrialisés ayant déjà acheté aux laboratoires – dont Roche – 90% de la production à venir, la majorité de la population mondiale ne disposera pas forcément de doses suffisantes.
A quoi faut-il s’attendre ?
Jean Rigal préfère rester prudent. « Je ne suis ni optimiste, ni pessimiste, pour la simple et bonne raison qu’on nage en pleine incertitude et que tout est surprenant, tant au niveau de la maladie qu’au niveau des réactions ». Le médecin aligne sa position sur celle du professeur Marc Gentilini, spécialiste des maladies infectieuses, qui parle lui de « pandémie de l’indécence » en dénonçant les moyens faramineux engagés par les pays riches dans un vaccin dont, somme toute, on ne sait rien, et pour une maladie qui n’est pas très dangereuse.
Rappelons que la grippe saisonnière fait elle-même des milliers de morts chaque année et qu’en Afrique, le paludisme est l’une des principales causes de mortalité dans une mesure largement supérieure celle de la grippe A. Les deux médecins relèvent que les pouvoirs publics sont bien sûr soumis au « devoir de précaution » pour prévenir toute catastrophe sanitaire. Cependant, le dispositif mis en place semble disproportionné au regard de la situation sanitaire mondiale.
L’OMS rappelle, pour sa part, que si la grippe A génère autant d’inquiétudes, c’est parce que, contrairement à la grippe classique contre laquelle de nombreuses personnes sont immunisées ou vaccinées, celle-ci est nouvelle, donc plus virulente.
Qu’encourent les pèlerins se rendant à La Mecque, en Arabie Saoudite, en août ?
114 cas confirmés de grippe A ont été recensés en Arabie Saoudite. Environ trois millions de musulmans venus de 160 pays se rendent chaque année en pèlerinage à La Mecque (voir photo ci-contre). Tout rassemblement de masse constituant un facteur de risque aggravé de contamination massive, l’OMS déconseille à tous les pays de favoriser ce type d’événement. Toutefois, chacun doit prendre les mesures qu’il estime les meilleures.
En juin, les autorités saoudiennes ont déjà recommandé aux musulmans âgés, malades ou fragiles de reporter leur déplacement à La Mecque. L’Iran a de son côté interdit à ses ressortissants de se rendre à La Mecque durant le mois de jeûne du ramadan (22 août-19 septembre).
Le prochain Mondial de football se tiendra en Afrique du Sud en juin et juillet 2010, en plein hiver austral, une époque favorable à la propagation de la grippe. La manifestation risque-t-elle d’être annulée ?
L’OMS travaille en étroite collaboration avec les services de santé sud-africains et les tiendra informés de toutes évolutions de la maladie d’ici le début de la compétition. Sachant que 630.000 billets ont déjà été vendus, il revient aux autorités du pays de prendre les dispositions finales, voire une annulation éventuelle, au regard des retombées économiques et sociales pour le pays. L’OMS n’a qu’un rôle de conseiller et se borne à faire des recommandations. Il est par ailleurs encore trop tôt pour connaître l’ampleur de la pandémie d’ici un an.
Qu’en est-il de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), qui débutera début 2010 en Angola ?
De même que pour la Coupe du Monde, l’OMS rappelle qu’elle ne peut que faire des recommandations, et qu’elle n’en a fait aucune pour annuler cet événement. L’organisation précise que tout rassemblement important de personnes favorise de facto la propagation de l’épidémie, mais que chaque pays est en droit d’évaluer lui-même les risques.
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