Pas d’état de grâce pour Jacob Zuma

Cent jours à peine après son investiture à la présidence sud-africaine, le « président des pauvres » doit faire face aux réalités de son mandat et à la fronde sociale qui couve.

Publié le 5 août 2009 Lecture : 3 minutes.

Comme chaque année en plein hiver austral, grèves, manifestations et renégociations salariales voient le jour en Afrique du Sud. Mais 2009 marque un tournant dans cette tradition : ébranlé par la crise économique, le pays a plongé en récession, pour la première fois depuis 1992.

A la mi-juillet, des manifestations ont d’abord enflammé les townships sud-africains. En colère, la population des quartiers pauvres réclame aux pouvoirs locaux de meilleures conditions de vie, un accès minimum aux services de base (eau potable, électricité, logement décent). Face à des institutions de proximité minées par la corruption, elle n’a d’autre recours que de s’exprimer dans la rue. Ces mouvements de contestation ont été émaillés par des incidents et par une répression parfois violente, la police répliquant par des gaz lacrymogènes et des tirs de balles en caoutchouc.

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Ce sont ensuite les employés municipaux qui, dès le 24 juillet, ont pris le relais, piquet de grève et syndicats à l’appui. Pendant près d’une semaine, l’économie a été asphyxiée, l’inertie touchant les transports en commun, les services de santé et de propreté publique, les bibliothèques, les écoles…

Jacob Zuma, parce que porté au pouvoir grâce à l’appui des syndicats, et pour éviter une débâcle économique, n’a eu d’autre choix que de répondre rapidement. Après des négociations avec le syndicat des employés municipaux sud-africains (SAMWU) et le syndicat indépendant (IMATU), une augmentation salariale de 13%, assortie d’une revalorisation du salaire minimum sur trois ans, des allocations logement et un remplacement des postes vacants ont été concédés.

Il a par ailleurs annoncé le versement de 303 millions de dollars dans un fonds d’emploi destiné aux chefs d’entreprises et aux salariés, notamment pour la formation des employés. Cette mesure vise à résorber le chômage, qui touche 23,5% de la population active sud-africaine.

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La lutte contre la pauvreté, un défi perdu d’avance ?

Alors que l’inflation, selon les chiffres officiels, atteint en juillet 6,9% selon les chiffres officiels, l’augmentation salariale concédée constitue presque le double et devrait permettre d’apaiser un temps les esprits. Pourtant, sous la pression de la rue, le challenge ne s’arrête pas là. Pour le président qui, lors de sa campagne, a fait de la lutte contre la pauvreté une priorité, il s’agit désormais de résorber la crise -économique et sociale- en profondeur.

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L’augmentation des salaires va considérablement grever le budget de l’Etat, et risque d’empêcher la réalisation du projet de société promis par Jacob Zuma. Dans un pays où près de 45% de la population vit avec moins de deux dollars par jour, et où plus d’ un million de familles n’a pas de logement décent, l’équation ne pourra tenir qu’un temps.

Le président des pauvres a déjà commandé un audit sur les performances des municipalités, afin d’évaluer les moyens à mettre en œuvre pour les rendre plus efficaces et plus proches des préoccupations de la population. Il a également annoncé la mise en place d’un numéro vert via lequel chacun pourra faire part de ses doléances. Une démarche qui vise à marquer la rupture avec le gouvernement de son prédécesseur Thabo Mbeki, réputé pour être davantage l’ami des sud-africains fortunés.

Cas pratique pour le ministre du Logement

Pour parfaire son image de "petit père des peuples", Jacob Zuma a délégué, lundi soir au cœur des townships de Diepsloot, le ministre du Logement Tokyo Sexwale. Il y a passé la nuit, a rencontré les habitants, et a pu faire l’expérience de leurs conditions de vie plus que précaires.

"Il fait très, très froid. On peut facilement comprendre pourquoi certains de ces enfants souffrent d’hypothermie. C’est déchirant", a constaté le ministre.

Selon lui, cette expérience a permis de recueillir des informations "très utiles", qui devraient favoriser une réflexion et une série d’actions à venir. Il a toutefois nuancé ses propos, expliquant qu’il ne fallait pas s’attendre à "des miracles", la crise économique hypothéquant considérablement la prise de mesures sur le long terme.

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