Exclusif : Omar Ba contre-attaque
Après le scandale, vient le temps des explications. Accusé d’avoir menti sur (presque) toute la ligne dans son livre Soif d’Europe, qui retrace son soi-disant passé de clandestin sénégalais immigré en France, Omar Ba a donné sa version des faits dans une interview exclusive à Jeune Afrique.
Qui est vraiment Omar Ba ? Un simple étudiant sénégalais en France qui a eu le tort de s’approprier, sans le dire, des témoignages d’immigrés clandestins pour les relater à la première personne dans son livre, Soif d’Europe, publié en 2008 aux Éditions du Cygne ?
Certes, il le reconnaît volontiers dans l’interview qu’il a accordé en exclusivité à Jeune Afrique TV (voir ci-dessous) : il a « bidonné ».
Pour autant, faut-il le ranger dans la catégorie des imposteurs cyniques et ambitieux? Il préfèrerait, on le comprend, être considéré comme il se dépeint: en jeune écrivain maladroit mais animé de « bonnes intentions »… Du désir, à tout le moins, de sensibiliser les consciences au drame silencieux des émigrés clandestins.
Malheureusement pour lui, Omar Ba n’a avoué son « imposture » que bien tardivement, après avoir été mis en cause dans un article acéré du quotidien français Le Monde, le 7 juillet dernier et, auparavant, dans plusieurs billets incendiaires parus dans des médias sénégalais dès 2008.
Dans quelle mesure l’ancien étudiant en sociologie a-t-il inventé son récit de clandestin imaginaire ? Au risque d’être perçu comme un mystificateur complet, il se refuse aujourd’hui à démêler le vrai du faux. Parce qu’il n’a pas envie que les journalistes « continuent d’enquêter sur [sa] vie privée qu’on a trop traînée sur la voie publique », estime-t-il.
Une pudeur qui ne l’empêche pourtant pas d’essayer de se justifier, avec un bonheur inégal, sur d’autres aspects de son « vrai-faux » témoignage. Les incohérences de son récit relevées par l’article du Monde, notamment celles concernant des dates et des noms de lieux qui ne collent pas à la réalité, proviendraient ainsi d’une volonté de brouiller les pistes pour les polices chargées de traquer les immigrés clandestins.
« Beaucoup d’entre eux vivent encore dans les endroits dont je parle – et je ne vais pas les dénoncer. Mais je n’ai rien inventé : tout est vrai, même si ce n’est pas forcément moi qui l’ai vécu ! » jure-t-il.
"Ne venez pas!"
Le quotidien français dénonce également le « lourd passif » d’Omar Ba, et indique en particulier que celui-ci doit être jugé devant le tribunal de Créteil pour une affaire « de faux et d’usage de faux en écriture privée ».
« Une simple histoire de fraude dans les transports en commun quand j’étais un étudiant sans le sou. Pas de quoi fouetter un chat ! », réplique l’intéressé.
Mais ce qui fait le plus de mal à Omar Ba, à l’en croire, c’est que la tempête médiatique qui s’est abattue sur lui fait désormais passer au second plan les idées qu’il expose dans son deuxième livre, Je suis venu, j’ai vu, je n’y crois plus (avril 2009, Éd. Max Milo), dans lequel il décrit noir sur blanc toute la perversité du mirage de l’eldorado européen et les souffrances qui en découlent pour la jeunesse africaine.
« Mon message peut être résumé par : « Ne venez pas », mais c’est plus complexe en réalité. Ce que je veux dire, sans interdire à personne d’émigrer, c’est que dans la situation actuelle, et avec les risques encourus par rapport aux maigres chances de succès, l’émigration clandestine n’en vaut pas la peine », affirme-t-il.
Et de répondre à ceux qui l’accusent de servir « aux médias occidentaux ce qu’ils veulent entendre », que son discours a été récupéré « de l’extrême droite à l’extrême gauche ». Preuve, selon lui, de la nécessité de sortir d’un débat stérile gauche-droite, simplement « pour ou contre l’immigration ».
Combattre le mal par le mal
En affirmant que l’immigration clandestine sert à la fois les intérêts des dirigeants européens et africains, Omar Ba dérange. Il renvoie notamment dos à dos la chasse donnée par la France aux clandestins (et ses retombées électoralistes) et l’inaction de pouvoirs africains qui, selon lui, ne sont pas forcément mécontents de l’exode d’une certaine jeunesse.
« Aujourd’hui, en Afrique, on fait la révolution avec ses pieds, en quittant le pays, et non en manifestant pour demander que l’Etat fasse son boulot », accuse-t-il.
Pourtant, Omar Ba refuse l’étiquette de donneur de leçon. « Tout ce que je veux, c’est relativiser le discours voulant que l’Europe soit synonyme de réussite pour les Africains. Nous ne sommes pas victimes de naïveté mais de désinformation », disait-il à Jeune Afrique quelques jours seulement avant que le scandale n’éclate.
En inventant une (grande) partie des ses tribulations clandestines, aurait-il donc essayé de combattre « le mal par le mal », de casser un mensonge par un autre ? C’est, en tout cas, la version qu’il proclame de toutes ses forces.
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