L’économie au menu de la visite de Paul Biya en France
Pour son premier déplacement en France depuis la victoire de Nicolas Sarkozy, le chef de l’Etat camerounais a accordé une attention particulière aux relations économiques bilatérales.
L’économie fût l’épine dorsale du déplacement de Paul Biya, en France, du 22 au 24 juillet. Cette visite officielle de trois jours, la première depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, en 2007, suivait de peu la signature, à Yaoundé, le 14 juillet, d’un important contrat de dix millions de dollars entre la Société Nationale des Hydrocarbures du Cameroun (SNH) et le Français Total E&P Cameroun portant sur l’exploration dans le bloc offshore de Lungahe.
Arrivé dans la soirée du 21 juillet à la tête d’une délégation de dix ministres et plusieurs représentants du monde économique parmi lesquels le président du Groupe interpatronal, Olivier Behle, le président de la Société Camerounaise d’Exportation et de Distribution de l’Ensemble des Produits Pétroliers (Socaepe), Jean-Claude Bekolo Mbang, et le directeur général de la Société sucrière du Cameroun (Sosucam), le chef de l’Etat camerounais, au pouvoir depuis 1982, n’a pas été accueilli par son homologue, empêché, mais par le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux.
Avant d’entamer ses entretiens à Paris, où il séjournait à l’hôtel Meurice, il a fait un crochet, le 23 juillet, à Bordeaux (Ouest) où il a visité l’exposition permanente du musée d’Aquitaine : « Bordeaux, le commerce atlantique et l’esclavage », de récents aménagements urbains et le grand vignoble du Château Pape-Clément.
Paul Biya a ensuite été reçu par le maire de Bordeaux. Alain Juppé est une vieille connaissance. En 1985, à Bamenda (province du Nord-Ouest du Cameroun), ce dernier avait représenté l’ancien président Jacques Chirac, au nom du Rassemblement pour la République (RPR) à l’occasion du congrès fondateur du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC, au pouvoir).
Crochet à Bordeaux
L’entrevue entre l’ancien Premier ministre français et celui que l’on surnomme le « Sphinx » en raison de son goût du secret a porté sur la coopération universitaire ainsi que le développement et le réaménagement urbain. Le président Camerounais a souhaité que Bordeaux « devienne un pôle de référence de formation des fonctionnaires des collectivités territoriales, en ce qui concerne l’aménagement urbain, l’assainissement… », explique-t-on à la Mairie de la ville.
De retour à Paris par train, après une nuit passée au Grand Hôtel de Bordeaux, le chef de l’Etat camerounais a abordé dans un échange « bref et chaleureux », selon Bercy, plusieurs dossiers avec la ministre de l’Economie, Christine Lagarde. Les relations bilatérales, mais aussi le dossier banane et les perspectives de croissance. Même revues à la baisse en raison de la crise économique mondiale, celles-ci restent positives.
Le prêt souverain d’un montant de 50 millions d’euros accordé en octobre dernier par l’Agence Française de Développement (AFD) a été évoqué. « L’AFD conduit actuellement des études pour déterminer l’affectation de ces fonds », souligne le ministère de l’Economie.
Le marathon des audiences s’est poursuivi dans la journée du 24 juillet. D’abord avec le Premier ministre François Fillon puis, au Palais de l’Elysée, où un entretien et un déjeuner avec Nicolas Sarkozy avaient été organisés.
Biya « moteur » de l’Afrique centrale
Tout en promettant que la France maintiendrait son niveau d’aide au Cameroun, le président français a confirmé le déboursement de 537 millions d’euros sur cinq ans dans le cadre du Contrat Désendettement Développement (C2D), mécanisme mis en place par Paris pour éponger la dette de ses partenaires africains et réinvestir les économies ainsi générées dans des secteurs prioritaires et sociaux.
Le président Sarkozy a également appelé son homologue à poursuivre les efforts en matière de droits de l’Homme et de bonne gouvernance. Deux points mis à l’index par le Collectif des organisations démocratiques de la diaspora camerounaise (Code), fondé par un exilé, Guillaume Tene Sop, et l’association française Survie. Les deux organisations avaient d’ailleurs organisé des micro-manifestations contre cette visite.
Les dossiers jugés sensibles comme l’assassinat, à Yaoundé, en 2007, de la chercheuse Laurence Vergne, les biens supposés « mal acquis » que Paul Biya posséderait en France selon un rapport du Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCCF-Terre Solidaire) publié fin juin ou la répression des manifestations contre la vie chère au Cameroun qui, en février 2008, avaient fait 140 tués, n’ont pas été évoquées.
Nicolas Sarkozy a en outre parlé du rôle de son homologue en Afrique centrale depuis le décès d’Omar Bongo Ondimba. « Il ne s’agit pas de trouver un successeur à Omar Bongo, insiste-on à l’Elysée. Mais le président français a salué le rôle positif, pacificateur et moteur du président camerounais, qui peut favoriser l’émergence d’une dynamique dans la région. Paul Biya participe aux efforts de paix en République Centrafricaine et s’est engagé pour une solution sécuritaire dans le golfe de Guinée. »
Le message de Biya aux Camerounais
Peu loquace à sa sortie de l’Elysée, le successeur d’Ahmadou Ahidjo s’est montré plus disert en fin d’après-midi lors d’une allocution au Pavillon Dauphine, au Nord de Paris, où une soirée était prévue pour clôturer sa visite. « Depuis 20 ans, notre principale préoccupation a été de conduire le pays sur le chemin de la démocratie », a-t-il expliqué devant ses compatriotes survoltés.
« Mais tout n’est pas parfait (…) il faut corriger les insuffisances ». Sur la corruption, le chef de l’Etat, accompagné de son épouse Chantal, a déploré qu’elle « subsiste » malgré les « efforts considérables » déployés pour la combattre.
Quant à la « crise qui a brouillé nos prévisions » de croissance, Paul Biya s’est voulu rassurant en indiquant que « les fondamentaux de notre économie sont sains ». Et d’annoncer que le Cameroun va mettre en œuvre divers projets pour booster le secteur. Le discours s’est clos sur les « relations franco-camerounaises qualifiées « d’excellentes » sous un tonnerre d’applaudissements.
Paul Biya n’a pas oublié ses détracteurs les qualifiant de « concitoyens qui ternissent l’image de notre pays sous divers prétextes ». Achevée le 24 juillet, cette visite se poursuivra, à titre privé, durant plusieurs jours au cours desquels une rencontre est prévue avec le nouveau président du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian), Alexandre Vilgrain.
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