Colère dans les townships

Pendant que l’Afrique du Sud, modèle de démocratie, se prépare à être, en 2010 pendant la Coupe du monde de football, la vitrine du continent, des milliers de laissés pour compte veulent faire entendre leur voix. Dans les quartiers pauvres, la tension monte. Loin des stades aux pelouses verdoyantes, une autre réalité : celle de l’abjecte pauvreté.

Publié le 23 juillet 2009 Lecture : 2 minutes.

Depuis plusieurs jours, des émeutes populaires ont dégénéré dans les quartiers pauvres de Johannesburg. Les habitants réclament des logements décents, de l’eau, un meilleur accès aux soins de santé et à l’éducation, du travail, des conditions de vie plus saines, bref, du concret.

Cette semaine, la police, dépêchée dans le township de Thokoza près de la capitale économique sud-africaine, a répliqué face aux émeutiers en tirant des balles en caoutchouc et en lançant des bombes lacrymogènes. Les manifestants caillassaient les voitures des fonctionnaires de police. Plusieurs dizaines d’entre eux ont été arrêtés.

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Dans la province de Mpumalanga, à la frontière du Mozambique, les échauffourées ont pris une tournure xénophobe. Les boutiques tenues par des immigrés – accusés de "voler le travail" des Sud-africains – ont été pillées et incendiées, provoquant la fuite des étrangers. Les violences xénophobes en mai 2008, dans un contexte semblable, avaient fait des milliers de déplacés, parmi les immigrés Zimbabwéens et Somaliens notamment.

Récession

Pourtant, rien d’extraordinaire dans ces manifestations, qui sont monnaie courante dans les townships, et depuis des années. En effet, la colère des résidents se fait régulièrement entendre, par à-coups ponctuels, dans des manifestations baptisées mouvements "pop-corn" : un mécontentement qui couve, avant d’éclater brusquement en émeutes parfois violentes.

Ces mobilisations visent les élus locaux. Les habitants des townships ne critiquent pas ouvertement le président Zuma, ou son gouvernement, comme ils ne lançaient pas non plus d’invective contre Thabo Mbeki lorsqu’il était au pouvoir. Ils demandent simplement aux responsables locaux de leur octroyer les services de base, électricité, eau, routes, écoles…

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Les municipalités et les gouvernements régionaux sont, plus que le gouvernement central, minés par la corruption, la gabegie et le népotisme.

Cependant, à la différence que les émeutes d’hier se découlaient dans un contexte de croissance économique, celles d’aujourd’hui arrivent en plein marasme. Le pays, en croissance depuis 15 ans, est entré en récession.

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Corruption et inefficacité

Devant l’inefficacité, voire l’impuissance des pouvoirs publics à trouver des solutions durables, le problème est renvoyé vers des sphères plus élevées du pouvoir.

Jacob Zuma, après 100 jours seulement à la tête de l’Etat, n’a pas encore pu mesurer l’ampleur de la tâche. Lui qui s’est présenté comme le candidat des pauvres, et qui a fait lors de sa campagne, de la lutte contre la pauvreté sa priorité, va devoir apporter rapidement des réponses : plus d’un million de familles vivent toujours dans des quartiers précaires et près de la moitié de la population vit avec moins de deux dollars par jour.

"Nous avons un fort taux de chômage, le monde entier souffre de la crise économique et cela ne rend pas les choses plus faciles", a estimé Adrian Hadland directeur du Conseil de recherche en sciences humaines, interrogé par l’AFP. "La frustration vient en partie des gouvernements locaux qui travaillent de manière très inégale", a-t-il souligné.

L’ANC, au pouvoir depuis la fin de l’Apartheid, vient de commander un audit sur les performances des services municipaux afin de faire pression sur les municipalités, minées par la corruption, pour améliorer l’accès aux services publics.

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