Tibéhirine : le verbatim des déclarations qui accusent les militaires algériens
Le document que nous versons aujourd’hui au débat ne manquera pas de ranimer les passions. Depuis maintenant treize ans, les thèses les plus contradictoires circulent sur les circonstances de la mort des moines de Tibéhirine. En 2004, la justice française a ouvert une enquête. La version officielle algérienne attribue la tragédie au Groupe Islamique Armé (GIA), alors principale organisation djihadiste. Le GIA contrôlait de nombreux maquis autour du monastère isolé Notre Dame de l’Atlas, au sud d’Alger, où les moines avaient été kidnappés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996. Mais d’autres voix dénoncent une manipulation du pouvoir algérien. Elles s’appuient sur le témoignage d’ un ancien sous-officier des services algériens de sécurité, réfugié aux Pays-Bas. L’adjudant Abdelkader Tigha, alors en poste au Centre territorial de recherche et d’investigation (CTRI) à Blida, à mi-chemin entre Tibéhirine et Alger, affirme qu’après leur enlèvement les moines avaient été conduits dans cette caserne où ils ont passé toute la journée. Transférés vers le maquis pour éviter que la manipulation ne soit éventée, ils ont été selon lui « arrachés » à leurs ravisseurs par un autre groupe qui n’était pas contrôlé par les services. Le sous-officier dit ne pas avoir d’informations sur la mort des religieux. Depuis quelques jours, une troisième version circule : les moines auraient bien été enlevés par des islamistes, mais leur mort serait le résultat d’une « bavure » de l’armée algérienne. C’est ce qu’a expliqué, le 25 juin, l’ancien attaché militaire français à Alger, le général François Buchwalter, devant le juge antiterroriste chargé de l’enquête depuis 2004, Marc Trévidic. D’après l’officier français, les moines, se trouvant dans ce qui semblait être un bivouac de djihadistes, ont été tués dans un raid d’hélicoptères militaires. Ils auraient été ensuite décapités afin de dissimuler les corps, criblés d’impacts suceptibles de révéler l’implication des militaires algériens. C’est le verbatim de ces déclarations que nous livrons ici. Le premier ministre algérien conteste formellement cette version des faits et dénonce une « provocation » de la France. De son côté, un ancien chef du Groupe islamique armé (GIA), Abdelhak Layada, a affirmé jeudi que les moines de Tibéhirine avaient bien été exécutés par son mouvement.