Pourquoi les régimes arabes sont muets sur la crise iranienne

En dehors des Emirats Arabes Unis, qui ont jugé toute ingérence dans les affaires intérieures iraniennes « inacceptable », les voisins arabes de la République islamique n’ont pas pris position sur la contestation qui fait rage en Iran. Karim Pakzad, chercheur associé à l’IRIS, explique les raisons de ce silence.

Publié le 24 juin 2009 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Pourquoi les pays du monde arabe n’ont pas réagi aux événements qui se déroulent en ce moment en Iran ?

Karim Pakzad : Deux raisons à cela. D’abord, la politique menée par Ahmadinejad sur le plan international inquiète les dirigeants arabes de par, notamment, l’influence de l’Iran sur certaines organisations telles que le Hezbollah ou le Hamas.

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Ensuite, il y a le prétendu axe chiite, qui s’étend des chiites irakiens au Hezbollah en passant par l’Arabie saoudite – où il y a une très importante minorité chiite dans le nord du pays. Il faut bien comprendre que la politique d’Ahmadinejad est davantage soutenue par la population des rues arabes que dans les rues iraniennes, comme on a pu le voir… 

Quels rapports entretient le monde arabe avec la République islamique d’Iran ?

Les pays arabes mènent une certaine politique de détente, voire de « dialogue » avec l’Iran, tenant compte de l’influence grandissante du pays dans la région. Ce changement s’est fait peu à peu ces dix dernières années, après la normalisation des relations entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, et ce en dépit de la pression exercée par Bush pour qu’ils maintiennent une politique de confrontation avec leur voisin iranien.

Les pays arabes hésitent donc à prendre position, car l’équilibre régional pourrait en être profondément bouleversé.

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Les dirigeants préfèrent donc faire preuve de prudence ?

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Tout ceci a de quoi inquiéter ceux qui craignent un développement démocratique trop poussé chez leur voisin. Une mutation potentielle qui est incarnée par Mir Hossein Moussavi. Certes, l’évolution démocratique d’un pays est un très long processus, mais à long terme l’expérience en Iran n’aurait pas été sans conséquence dans la région. C’est le cas en Egypte par exemple, où le risque est grand puisqu’il y existe une opposition et une société civile plus développées qu’ailleurs.

L’exercice démocratique qu’on a pu voir pendant la campagne électorale, notamment lors des débats télévisés entre les candidats, n’était pas du tout attendu par le reste du monde. Jusqu’à la fin du mois de mai, l’issue du scrutin est restée incertaine. Mais deux semaines avant l’élection, on a assisté à un mouvement de masse en faveur de Moussavi, car il représentait une réelle mise en cause de la politique intérieure et étrangère d’Ahmadinejad. Tous ceux qui avaient boycotté les élections de 2005 sont allés voter, le régime a eu peur, d’où la fraude grossière qui a été mise en place. 

Si l’opposition avait accédé au pouvoir, l’équilibre géopolitique du Moyen-Orient aurait-il été menacé?

Les pays du Golfe, ainsi que les pays arabes voisins, sont de toute façon incités à la prudence, avec ou sans Ahmadinejad. Ils se sentent orphelins de Bush, car la politique d’hostilité des Etats-Unis envers l’Iran les arrangeait bien, puisqu’elle isolait la République islamique et déclenchait automatiquement le rapprochement des Américains avec les pays arabes…

En définitive, sur le plan de l’équilibre géopolitique, ces pays ont peur d’Ahmadinejad, on ne peut pas dire qu’ils le soutiennent, mais son maintien au pouvoir les arrange car ils obtiennent en échange un certain appui occidental, implicitement dirigé contre l’Iran. Alors que la conception des relations internationales selon Moussavi aurait probablement favorisé un dégel des relations irano-occidentales, ce qui aurait achevé d’isoler les pays arabes qui dépendent de l’Occident…

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