La vérité sur l’affaire Pape Diouf
Il faut se méfier de l’eau qui dort. À Marseille, la mer était calme et le ciel bleu azur. Tout allait bien à l’OM, principal baromètre de la bonne (ou mauvaise) humeur de la cité phocéenne : troisième qualification d’affilée en Ligue des champions, comptes assainis, pas de procès retentissants à l’horizon, entente parfaite entre dirigeants et supporteurs, stabilité dans l’effectif et dans les rangs des décideurs, titre de champion de France raté d’un souffle lors de l’ultime journée de championnat…
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 19 juin 2009 Lecture : 3 minutes.
Tout le monde attendait avec impatience la reprise pour en découdre avec Lyon, Bordeaux, Paris et les autres ténors supposés de Ligue 1, pectoraux gonflés et nuque droite. Las, Marseille ne fait rien comme les autres et aime à se tirer des balles dans le pied ! Le 17 juin, à la suite d’une entrevue entre les deux hommes, Robert Louis-Dreyfus (RLD), propriétaire de l’OM depuis 1996 (220 millions d’euros investis, tout de même) a décidé de limoger le président du club, Pape Diouf, en poste depuis juin 2005. La fin d’un feuilleton comme seul Marseille sait en produire, mauvais remake de Dallas à la sauce provençale.
En cause, pensait-on jusqu’ici, l’affrontement à fleuret pas vraiment moucheté, entre Diouf et le président du conseil de surveillance du club – et représentant personnel de RLD – Vincent Labrune. Lequel Labrune s’est évertué depuis plusieurs mois à « allumer » Diouf en privé, auprès de son patron RLD mais aussi, et surtout, de quelques journalistes parisiens proches (l’homme a de l’entregent médiatique à Paris, c’est un ex de TF1) qui ont pris un malin plaisir à répercuter ces attaques, non sourcées évidemment, dans les colonnes de deux quotidiens très lus par les amateurs de football. Suivez mon regard… Pape Diouf, qui n’est pas franchement le genre d’homme à tendre la joue gauche après la droite (et inversement), lassé par ces attaques sibyllines incessantes, s’est emporté. Une ou deux interviews plus tard, le mal était fait. Petit florilège des propos peu amènes balancés par l’unique dirigeant noir d’un club de football européen : « Je me suis rendu compte qu’il voulait m’imposer des choses. Je lui ai donc répondu : “Certaines décisions, si tu penses les prendre, il faudra que tu viennes poser ton cul là où j’ai mis le mien”. » Ou encore, en termes moins imagés : « Je ne vais pas laisser la place à des aventuriers. Je me battrai bec et ongles contre ces dandys de Paris, prêts à remettre en cause un travail de cinq ans. »
Mais Diouf a commis deux erreurs. La première, c’est d’avoir étalé sur la place publique son combat avec Labrune, qui, lui, avançait masqué. En attaquant Labrune, il a donné l’impression d’attaquer RLD. La seconde, c’est de s’être trompé sur la véritable identité de son adversaire… Non, l’ennemi de Diouf, le vrai, n’est autre que Jacques Veyrat, directeur général du groupe Louis-Dreyfus et… frère d’Antoine Veyrat, directeur général de… l’OM, nommé – quel heureux hasard ! – président par intérim. Labrune n’était que son bras armé. Dans l’entourage de Diouf, le doute n’est plus de mise. « La vérité, c’est que RLD est très malade. C’est Veyrat qui gère l’opérationnel du groupe. Il veut faire de l’OM son joujou, explique un proche de l’ancien président du club phocéen. Son frère et Labrune ont tout orchestré pour obtenir de Robert la tête de Pape. » RLD, très affaibli par une leucémie, a choisi de s’en remettre à sa garde rapprochée parisienne, Veyrat et Labrune en tête. Il vient de leur confier les clés du club et on leur souhaite bien du plaisir…
Le nouvel entraîneur, Didier Deschamps, menace de faire ses valises devant cette situation ubuesque. Soutenu par les supporteurs et ceux qui comptent dans le football français, Diouf a perdu son bras de fer, malgré un bilan plus que flatteur pour ceux qui ont encore en mémoire les errements du club avant son arrivée. Sa nouvelle vie ? « Un break, c’est sûr, j’en ai besoin, nous explique-t-il. Après, on verra bien… » Certains supporteurs se prennent déjà à rêver d’un grand retour, avec l’appui d’investisseurs susceptibles de racheter un club que Robert Louis-Dreyfus n’aura jamais réussi à dompter. Il faut dire qu’il n’aura pas fait grand-chose pour y parvenir…
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