Vent de révolte en Iran
La tension continue de monter en Iran, après la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad à la tête de l’Etat. Lundi après-midi, une manifestation de l’opposition devait avoir lieu à Téhéran.
En dépit d’une interdiction de rassemblement prononcée par le pouvoir, une manifestation anti-gouvernementale est prévue dans les rues de la capitale iranienne. Mir Hossein Moussavi, l’adversaire principal d’Ahmadinejad lors du scrutin présidentiel de vendredi, a prévu d’y assister en compagnie de Mehdi Karoubi, un autre candidat de l’élection. Tous deux contestent les résultats officiels.
Mir Hossein Moussavi a d’ailleurs déposé dimanche un recours devant le Conseil des gardiens de la Constitution pour annuler les résultats de l’élection qu’il estime entachée de fraude. "Aujourd’hui, j’ai présenté officiellement au Conseil des gardiens une demande visant à faire annuler les résultats de l’élection présidentielle", a déclaré l’ancien Premier ministre sur son site internet.
"J’invite les Iraniens à poursuivre leurs manifestations à l’échelon nationale dans le calme et conformément à la loi", a-t-il ajouté. "Nous avons demandé aux responsables de nous laisser organiser un rassemblement national afin de que les gens puissent exprimer leur rejet du processus électoral et de ses résultats", a-t-il précisé.
Répression
Déjà tout le week-end, les partisans du candidat « vert » (couleur de l’Islam choisie par Moussavi pour sa campagne) ont affronté verbalement les supporteurs du président réélu. Partout dans la rue, les troupes anti-émeutes du gouvernement occupaient le terrain tandis que les soutiens d’Ahmadinejad prenaient part à une fête de la victoire sur la place Vali e Asr.
Des policiers en moto sont intervenus pour disperser les manifestants anti-gouvernement et une femme a été blessée. Des manifestations similaires se sont produites depuis l’élection dans plusieurs villes de province, dont Tabriz et Ispahan.
La police a annoncé dimanche l’arrestation de 170 personnes, dont 60 «organisateurs» des manifestations. Lundi matin, les familles des détenus réclamaient leur libération devant le tribunal révolutionnaire de Téhéran.
La presse réduite au silence
Les forces de l’ordre ont manifestement reçu des consignes strictes quant à la médiatisation des émeutes. En effet, de nombreux journalistes étrangers ont rapporté des scènes lors desquelles la police iranienne les empêchait d’exercer leur profession.
La télévision espagnole TVE a été contrainte de quitter le pays après avoir couvert les manifestations anti-Ahmadinejad dimanche. Selon le site internet du Figaro, une correspondante du quotidien français « s’est vu retirer sa carte de presse lundi matin ».
La télévision allemande n’a pas pu médiatiser les émeutes, des journalistes néerlandais ont dû quitter le pays et la BBC affirme qu’un brouillage de ses ondes depuis l’Iran a été détecté par ses techniciens.
«Nous sommes des témoins gênants (…), ils veulent éliminer tout type de présence de presse étrangère (…). Sûrement que s’il n’y a pas eu de répression (jusqu’ici), c’est parce qu’ils savaient que nous étions là », a rapporté une journaliste espagnole.
Le journal de Mir Hossein Moussavi, Kalameh Sabz, a été suspendu, selon le quotidien iranien Sarmayeh. Cet autre journal réformateur n’a eu le droit de faire cette annonce que par un titre en Une. A l’intérieur des pages, le paragraphe relatif à cette nouvelle auquel renvoyait le titre était vide.
« Dans chaque imprimerie, des représentants des autorités surveillent ce que les journaux veulent publier et suppriment des titres, articles ou portions d’articles », a dit un spécialiste du secteur des médias, sous couvert de l’anonymat.
D’autres journaux ont été contraints de changer la une de leur édition de samedi pour ne pas être interdits de publication. Pourtant, dans sa première conférence de presse depuis l’annonce samedi par le ministère de l’Intérieur de sa réélection, Mahmoud Ahmadinejad a affirmé qu’en Iran « la liberté est proche de l’absolu ».
Le reste du monde s’inquiète
A l’étranger, les chancelleries s’inquiètent des retombées négatives de cette élection décriée.
Lundi matin, le ministre israélien de la Défense, Ehud Barak a réagit, estimant que « le triomphe des extrémistes est une mauvaise nouvelle, comme doit être considérée toute victoire des extrémistes ».
L’Occident, qui plaçait beaucoup d’espérances dans cette élection pour trouver un écho à la politique de la main-tendue menée par Barack Obama au Proche-Orient, est désormais sceptique.
La Maison-Blanche a exprimé sa réserve quant aux résultats des élections : « de la manière dont ils empêchent la libre expression, de la manière dont ils répriment les manifestations de foule, de la manière dont les gens sont traités, il semble très clair qu’il y a de vrais doutes », a déclaré le vice-président américain Joe Biden.
Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a convoqué l’ambassadeur d’Iran à Berlin pour lui demander de faire le jour sur la situation, jugeant inacceptable la répression des manifestations.
En France, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, a regretté la tournure prise par les événements. « C’était l’occasion pour le président Ahmadinejad d’ouvrir ce dialogue et la France regrette qu’au contraire de l’ouverture, il y ait eu une réaction un peu brutale », a-t-il déclaré». Ça laissera des traces et l’opposition va s’organiser », a prédit le ministre.
« Ce qui se passe en Iran n’est évidemment une bonne nouvelle pour personne, ni pour les Iraniens ni pour la stabilité et la paix du monde », a dit de son côté le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, ajoutant : « Mahmoud Ahmadinejad est là, avec ses excès, avec ses outrances et cela ne simplifie pas la tâche de tous ceux qui dans le monde veulent prendre en considération l’Iran, veulent le respecter et dialoguer avec lui ».
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