Bongo, la fin d’une époque épique
Omar Bongo Ondimba, 73 ans, est parti comme il est arrivé au pouvoir, par surprise. On savait que la suspension de ses activités, décidée le 6 mai pour une durée indéterminée, n’augurait rien de bon.
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 9 juin 2009 Lecture : 2 minutes.
Le « patron », comme l’appelaient ses collaborateurs, semblait las, amer, épuisé par la longue maladie de son épouse Édith et très affecté par le décès de cette dernière, le 14 mars, au point de négliger son diabète et son traitement. L’affaire, en France, des « biens mal acquis », le gel de certains de ses avoirs, l’offensive des médias hexagonaux contre un des derniers étendards de la Françafrique auront eu raison de sa volonté jusqu’ici inébranlable. Le vieux lion s’est abandonné entre les mains de son clan et du destin. Jusqu’à son départ en avion médicalisé pour la clinique Quirón de Barcelone, Omar Bongo Ondimba n’était qu’un homme épuisé. Un homme comme les autres, en proie aux souffrances que la vie peut dresser sur votre chemin.
Le mutisme ou les rares communiqués, tous plus lénifiants les uns que les autres, des autorités gabonaises ont commencé par mettre la puce à l’oreille des observateurs les plus avertis. Pourquoi tant de secrets ? Pourquoi une décision aussi lourde qu’une suspension officielle de ses activités, à des milliers de kilomètres de Libreville, s’il s’agissait uniquement d’observer une simple période de repos ? Le mystère entretenu autour de la santé d’Omar Bongo n’a fait que provoquer puis entretenir les rumeurs les plus folles. Déjà, le 21 mai, les premières annonces de sa mort se multipliaient dans les journaux et sur Internet. Tout le monde croyait détenir la vérité. Les occupants ou les soi-disant fins connaisseurs du village franco-africain comme les officiels. Le ministre des Affaires étrangères espagnol, Miguel Angel Moratinos, joue du « off » et du « on » à s’en mélanger les pinceaux et lâche le morceau : le président est gravement malade. S’ensuit une course morbide et effrénée des journalistes français et espagnols. Les sources ? « Proches du gouvernement français »… Une course pour être le premier à annoncer la mort du président gabonais, dernier vestige d’une autre époque. Un sujet en or pour vendre du papier, qui mêle exotisme, affaires d’État, corruption, réseaux occultes, franc-maçonnerie, secrets d’alcôve, pétrodollars et voitures de luxe… Tant pis si on se trompe de quelques jours, de quelques heures…
Le cancer intestinal qui rongeait l’ancien commis des postes devenu doyen des chefs d’État africains l’a emporté, donc, ce 8 juin à 14 h 30. La dernière rumeur, celle qui annonçait sa mort partout dans la soirée du 7 juin, aura presque été la bonne… Albert-Bernard, Omar, le « patron », le « boss », le « Vieux » s’en est allé. Il laisse un pays orphelin, inquiet pour son avenir. Quoique l’on puisse penser de son bilan, du niveau indécent de (sous-)développement d’un pays tant gâté par la nature, des excès de l’homme et de son système de gouvernance, et si l’envie de changement éprouvée par les Gabonais est une évidence, on n’efface pas ainsi quarante et un ans d’un règne sans partage et sans équivalent. Bongo était l’État, la banque, le père, l’ami, l’ennemi. Bongo, c’était le Gabon, mais aussi une certaine Afrique. Après lui, c’est une autre histoire qui commence…
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