Dupuydauby perd le Togo
Alors qu’il se trouvait à Ouagadougou, le président du groupe Progosa a préféré regagner l’Espagne plutôt que le Togo où il se sentait menacé. Les forces de police ont investi sa villa à Lomé.
Le Procureur de la République du Togo, Robert Bakai, a lancé un mandat d’arrêt international à l’encontre du Français Jacques Dupuydauby. Alors qu’il se trouvait à Ouagadougou,au Burkina, où il a notamment été reçu en audience par Blaise Compaoré le 26 mai, le président fondateur du groupe Progosa, spécialisé dans l’économie portuaire, a décidé de ne pas regagner le Togo comme cela était prévu.
« J’ai été informé que les forces de police togolaises avaient pris possession de ma villa où sont entreposées toutes les archives et les pièces comptables de mes sociétés », explique Jacques Dupuydauby, joint par téléphone.
Le Falcon, qui se trouvait sur le tarmac de l’aéroport de Ouagadougou à côté de l’avion du président togolais Faure Gnassingbé, lui aussi reçu en audience le même jour par le chef de l’Etat burkinabè, a mis directement le cap sur Séville, en Espagne, où se trouve le siège de son groupe. Il aurait été aussitôt rejoint par son fils Vianney ainsi que son directeur juridique, l’ancien avocat Gérard Perrier, qui étaient tous deux à Lomé.
Selon un proche collaborateur du doyen des juges d’instruction, Essohana Wiyao, une enquête sur les activités de Dupuydauby au Togo a été lancée et les locaux de ses filiales – SE2M et SE3M – sont toujours perquisitionnées par les forces de police.
Le départ de l’homme d’affaires qui gère, entre autres, la manutention du principal quai du Port de Lomé (Pal), intervient alors que ces sociétés font l’objet d’un contrôle fiscal depuis plusieurs mois. Proche de l’ancien président Gnassingbé Eyadéma mais aussi de l’ancien président Jacques Chirac, Dupuydauby serait redevable de 1,4 milliard de francs CFA au titre de redevances portuaires non acquittées depuis août 2008.
Malgré son montant, cette créance de l’Etat ne suffit pas à expliquer que les dirigeant d’une enseigne historiquement implantée au Togo et ayant leurs entrées auprès de personnalités de premier plan au sein du gouvernement aient pu être inquiétées de cette façon.
Selon plusieurs observateurs une main politique agirait en toile de fond, qui ne serait autre que celle de Faure Gnassingbé. A quelques mois de la présidentielle prévue en mars 2010, le chef de l’Etat continuerait à « remettre de l’ordre dans la maison » en s’en « prenant à un personnage encombrant », jugé trop proche des anciens caciques du régime de Eyadema-père.
Tout en adressant un signal fort à Paris, cette stratégie permettrait également au groupe Bolloré, concurrent de Progosa, de reprendre pied au Togo. « On sait qu’une élection au Togo ne se joue pas sans la France, commente un fonctionnaire international en poste à Lomé. Et il vaut mieux être plus près de Nicolas Sarkozy en ce moment ».
La justice togolaise doit d’ailleurs rendre d’ici quelques jours un verdict très attendu à propos d’un différend opposant les deux groupes qui se livrent depuis plusieurs années à une lutte sans merci pour le contrôle des terminaux à conteneur de certains ports africains. Selon plusieurs sources concordantes, ce verdict donnerait gain de cause à Bolloré.
Rarement anodine dans ce pays, l’arme du contrôle fiscal a visé par le passé des personnalités des milieux d’affaires ou de la scène politique. Surnommée la « Dame de Fer », Ingrid Awadé-Nanan, l’actuelle responsable de la Direction Générale des Impôts (DGI) au ministère des Finances et ancienne conseillère du chef de l’Etat, avait, en 2006, engagé plusieurs procédures contre les sociétés dirigées par Kpatcha Gnassingbé, le demi-frère du président Faure, lorsque celui-ci était responsable de la Zone Franche de Lomé (Sazof). Des proches de Kpatcha comme le Libanais Bassam el-Najjar ont été visés à l’époque. L’administration fiscale lui réclamait neuf milliards de francs CFA. Cet importateur de véhicules d’occasion ayant pignon sur rue avait quitté le pays clandestinement.
« L’affaire Dupuydauby », qui n’étonne personne dans les milieux économiques togolais, intervient également après l’arrestation, en avril, de Kpatcha Gnassingbé pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ». Y a t-il une coïncidence entre les deux événements ? « Aucun élément ne permet à l’heure actuelle de lier ces affaires », indique-t-on à Lomé.
Une chose est sûre : le président du groupe Progosa savait depuis plusieurs jours que sa bataille contre le groupe Bolloré dans ce pays est perdue. « Le 25 mai, j’ai procédé au licenciement de plusieurs de mes salariés qui m’ont affirmé ne pas vouloir travailler pour ce groupe », explique Dupuydauby qui a alerté ses avocats pour contre-attaquer.
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