La taxe sur l’alcool donne la gueule de bois
Une taxe de 30% sur l’alcool est appliquée depuis novembre. Le président Ian Khama a expliqué qu’elle devait prévenir une éventuelle dépendance de ses concitoyens. Problème : la mesure a des effets pervers, tant sur les producteurs que les consommateurs.
Au Botswana, boire de l’alcool est devenu un luxe. C’est la conséquence d’une taxe appliquée depuis plus de six mois. Le président Ian Khama avait annoncé le 17 juillet que les spiritueux seraient taxés à hauteur de 70%. Une hausse retardée jusqu’au 1er novembre et ramenée à 30% à la demande du producteur d’alcool SAB Miller.
Le chef de l’Etat avait justifié sa décision en expliquant que l’abus de boisson favorise le viol, la violence domestique, les accidents de la route et le sida, bien que l’impact de l’alcool sur la propagation du VIH n’ait pas été clairement établi.
Certains estiment qu’ils font plutôt les frais du drame familial qui a endeuillé Ian Khama. Cet ancien militaire est le fils de l’un des leaders ayant conduit le Botswana à l’indépendance, en 1966. Seretse Khama est décédé à 59 ans d’un cancer du pancréas qui, dit la rumeur, résultait d’une addiction à l’alcool. Le président a nié tout lien entre cette disparition et sa taxe.
Sacrifier la nourriture pour l’alcool
La taxe « a peu de chances d’atteindre l’objectif désiré et noble de réduire l’abus d’alcool chez les consommateurs à haut risque », déclare Mark Bowman, managing director de SAB pour l’Afrique. Il ajoute qu’elle pourrait en revanche augmenter la contrebande, la contrefaçon, pousser les clients à se tourner vers des boissons de moins bonne qualité et plus fortes.
La consommation annuelle de bière dans le pays s’élève à environ 38 litres par personne. Et d’aucuns avancent que le prix plus élevé de l’alcool ne les dissuade en rien de boire. Considérant la bouteille comme une béquille pour supporter la dureté du quotidien, ils avouent qu’ils préfèrent sacrifier la nourriture et autres vêtements pour la famille que de se sevrer.
En termes d’emploi, SAB Miller, qui tire du Botswana un dixième de ses revenus en Afrique, a perdu 92 emplois. Dans les bidonvilles, les shebeens, sortes de bars non licenciés, peinent à survivre alors qu’ils constituent parfois le seul commerce d’importance. Pour exemple, une vendeuse confie qu’elle vend aujourd’hui à 200 pulas le litre d’alcool qu’elle cédait auparavant pour cinq fois plus cher.
Les premiers résultats de l’opération semblent donc peu concluants. Mais le chef de l’Etat a déjà prévenu qu’il se tenait prêt à augmenter de nouveau la taxe.
(Avec Financial Times)
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