La crise économique menace la démocratie
Les années de forte croissance qu’a connues l’Afrique vont céder la place, en 2009, à un brutal ralentissement de l’économie dû à la crise mondiale. C’est ce qu’annonce un rapport de l’OCDE, dans lequel l’organisation se dit inquiète pour les avancées démocratiques du Continent.
Dans un rapport publié conjointement par l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) et la Banque Africaine de Développement (BAD), il apparaît que l’économie africaine, particulièrement vulnérable face à la crise mondiale, devrait connaître un "tassement brutal" en 2009. Le produit intérieur brut (PIB) africain devrait en effet progresser de 2,8% l’an prochain, soit moitié moins qu’en 2008 (+5,7%), avant de connaître une "reprise modérée" en 2010 (+4,5%), estime l’OCDE, jugeant ses prévisions "plutôt optimistes".
Les pays africains sont également durement touchés par l’effondrement du commerce mondial et la chute du cours des matières premières qui ampute leurs revenus, menaçant "la stabilité macro-économique récente si durement acquise", selon le rapport, qui pointe le retour "des pressions inflationnistes". "Les pays exportateurs de pétrole (et de minerais) devraient davantage ressentir les effets de la crise mondiale que les économies plus diversifiées et les pays exportateurs de produits agricoles", prédit l’OCDE. Globalement, l’Afrique australe devrait être la grande perdante de la crise (+0,2% de croissance attendu cette année), comparé à l’Afrique de l’est (+5,5%). Première économie du continent, l’Afrique du Sud ne sera pas épargnée: son PIB devrait progresser de 1,1% cette année, contre 3,1% en 2008.
Risques d’instabilité politique
Dans ce contexte, l’OCDE s’inquiète des retombées politiques de la crise. "La dégradation de la conjoncture économique pourrait bien mettre à mal certaines avancées (…) en termes de démocratisation et de gouvernance", note l’OCDE, selon qui "la marche vers la démocratie a récemment marqué le pas" avec les récents renversements de régime en Guinée, Guinée-Bissau et à Madagascar. L’organisation n’exclut pas en outre que les pays riches, plombés par leurs déficits, ne revoient à la baisse l’aide au développement, cruciale pour les pays les plus pauvres.
En privant la population d’emplois et de revenus, la crise pourrait au final susciter des mouvements de contestation et faire naître "des risques d’une plus grande instabilité" alors que le prix des denrées alimentaires reste élevé, juge José Gijon, chef du bureau Afrique-Moyen Orient à l’OCDE. "Les retournements économiques en Afrique ont des effets très directs sur les populations parce que les besoins y sont énormes", commente-t-il.
Optimisme
De solides motifs d’optimisme subsistent toutefois, selon l’OCDE. Ces dernières années, la plupart des pays africains ont adopté "des politiques de gestion macro-économique prudente" qui pourraient permettre d’amortir les effets de la crise, d’après le rapport. "Nous ne devons pas désespérer", a pour sa part indiqué Louis Kasekende, économiste en chef à la BAD, "car la décennie de réformes a permis d’introduire plus d’efficacité en matière de management macro-économique et de rendre les économies africaines plus compétitives".
Avec l’explosion des échanges commerciaux avec la Chine, le continent est devenu moins dépendant des pays riches, qui sont, eux, entrés en récession. "L’économie chinoise devrait croître d’environ 6% cette année et le pays, qui doit urbaniser 10 à 15 millions de personnes par an, aura toujours un grand besoin des matières premières que l’on trouve en Afrique", souligne José Gijon. (avec agences)
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