Gang des barbares: crime crapuleux ou crime antisémite?
Youssouf Fofana et ses 26 complices comparaissent aujourd’hui devant la Cour d’Assises de Paris pour l’assassinat, en 2006, avec actes de torture et de barbarie, d’Ilan Halimi, un jeune homme de confession juive. Entres autres questions, les jurés devront déterminer dans quelle mesure ce crime est un crime antisémite.
Crime crapuleux ou crime antisémite ? Cette question va être au centre du procès du gang des barbares, responsable de l’assassinat du jeune Ilan Halimi le 13 février 2006. D’abord, parce qu’il s’agit d’une circonstance aggravante au regard du code pénal (crime commis en raison de l’appartenance ethnique religieuse ou philosophique de la victime). Mais aussi, parce que ce dossier confronte la société française à une cruelle découverte : l’antisémitisme n’est pas cantonné à la sphère de l’extrême-droite. Il peut surgir au cœur des cités, là-même où sévissent, plus qu’ailleurs, le racisme et la discrimination.
Loin d’être vaccinés contre les clichés racistes, Youssouf Fofana et les membres de son gang les ont au contraire reproduits. Pour eux, un juif est forcément riche. Vieux refrain dont on croyait pourtant connaître les ravages.
De l’aveu même des meurtriers, la victime Ilan Halimi a été choisie, parce qu’elle était juive. Les parents, forcément fortunés, allaient payer la rançon. Cela suffit-il à faire du crime un acte antisémite ? Autrement dit, si on a bien enlevé le jeune homme parce qu’il était juif, l’a –t-on tué parce qu’il était juif ? Ou bien, plutôt, parce qu’on ne savait plus quoi en faire ? Bref, comment qualifier un crime crapuleux commis par un assassin antisémite ?
C’est à cette interrogation que les jurés vont devoir répondre. Et le débat ne sera pas exempt de procès en sorcellerie. Ceux qui s’attacheront à questionner les ressorts de l’intention criminelle se verront immanquablement soupçonnés de vouloir atténuer l’horreur des faits et la responsabilité des meurtriers.
Pourtant, la justice ne pourra faire l’économie de cette réflexion. Car le cas de figure est nouveau. S’ils étalent leur antisémitisme, Fofana et ses complices ne s’inscrivent pas dans un projet politique, aussi délirant fut-il. Ils cherchent d’abord de l’argent. Et c’est bien cette dimension crapuleuse qui confère sa complexité à l’affaire.
Quand le 1er mai 1995, en marge d’un défilé du FN, des skinheads jettent un jeune marocain, Brahim Bouarram, dans la Seine, provoquant ainsi sa noyade, le caractère raciste de l’acte saute aux yeux de tous.
Dans le cas du gang des barbares, c’est la hiérarchie des mobiles – l’appât du gain ou la haine des juifs – qui va déterminer la qualification de l’acte. Un avocat, un temps pressenti pour défendre Fofana, confiait au quotidien Libération que le prévenu était si peu structuré intellectuellement qu’il aurait pu « enlever un auvergnat ». La croyance populaire – qui ne brille pas par son intelligence en la circonstance – prête en effet aux Français originaires de cette région un penchant marqué pour la thésaurisation.
Le profil psychologique de Fofana est donc la clé du procès. Et l’on ne peut que regretter, à cet instant, la décision de la Cour d’assises de siéger à huis-clos (deux des accusés étaient mineurs au moment des faits). Car les débats s’annonçaient aussi passionnants que pédagogiques.
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