L’Afrique, nouvel eldorado du private equity ?

L’association de jeunes professionels du droit des affaires, l’African Business Lawyers’ Club, organisait jeudi 20 juin une conférence intitulée « L’essor du Private Equity en Afrique : un vecteur prometteur de développement ». Compte-rendu.

Publié le 21 juin 2013 Lecture : 4 minutes.

C’est un « eldorado », une « nouvelle frontière », assurent-ils. L’élégante salle de conférence du Medef a eu droit à un récital d’optimisme jeudi 20 juin. A l’invitation de l’African Business Lawyers’ Club, quelques unes des figures du capital-investissement français et étranger, étaient invitées à s’exprimer sur l’essor du Private Equity en Afrique. Devant les ténors, un public de spécialistes, 300 personnes environ, avocats d’affaires, consultants, jeunes diplomés et financiers encravatés, réunis pour se rencontrer et apprendre sur un secteur qui n’a jamais suscité autant d’intérêt sur le continent.

Top 5 des pays destinataires du capital-investissement en Afrique en 2011 (en pourcentage du total des investissements)

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1. Afrique du Sud (53 %)
2. Egypte (8 %)
3. Maurice (8 %)
4. Maroc (8 %)
5. Nigeria (5 %)

Mauvaise perception du risque

« Deux milliards de PIB, 52 villes de plus d’un million d’habitants, 35 Etats africains mieux classés que la Chine en matière de démocratie, 35 autres moins corrompus que la Russie, un climat des affaires meilleur qu’en Inde dans 12 pays du continent  » énumère Stéphane Bacquaert, sécrétaire du Comité d’Investissement de Wendel, qui a fait ses premiers pas en Afrique en décembre. Dans ce concert de louanges, tous ont mis en avant le contexte macro-économique favorable et souligné le décalage entre la perception du risque et les réalités de l’investissement en Afrique. « En dépit des problèmes politiques et de gouvernance, le risque de ne pas aller en Afrique est aujourd’hui plus grand que celui de passer à côté de cette opportunité » explique Olivier Stinzy, associé chez Edifice Capital. Pour Luc Rigouzzo, PDG d’Amethis Finance, il n’y aurait plus que 2 à 7 % d’actifs douteux en Afrique et les rendements y seraient six à sept fois plus importants qu’ailleurs. « Il y a maintenant tout un écosystème d’accompagnement de l’investissement dans les grandes métropoles comme Lagos » renchéri Stéphane Bacquaert. La vigueur du marché des consommateurs serait, en outre, largement sous-estimé, d’après l’ensemble des intervenants. « Le plus remarquable, c’est qu’il y a cinq ans, on ne parlait que d’investissements Nord-Sud, or aujourd’hui avec des fonds comme Marocinvest et Tuninvest qui opèrent en deça du sahara, on est dans du Sud-Sud », intervient un auditeur.

L’Europe, la seule région qui se désengage d’Afrique

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 « L’Europe prend des dispositions testamentaires en Afrique », a regretté, Lionel Zinsou, qui constate que le vieux continent est la seule région du monde qui vend ses actifs africains. Le français CFAO a été cédé au japonais Toyota en 2012 et le fonds Abraaj s’est offert Fan Milk, fabricant danois de produits laitiers en Afrique de l’Ouest. Le capital-investisseur l’a emporté sur les deux leaders mondiaux du yahourt. En outre, Vivendi cherche toujours à vendre ses parts de Maroc Telecom, déplore-t-il. Des preuves « qu’il reste des beaux deals à faire un Afrique » pour Luc Riggouzo, malgré un risque de surchauffe, pointé par plusieurs intervenants. 

« Les banques françaises seront bientôt doublées par les banques marocaines dans la zone franc », assure le PDG d’Améthis Finance. Jean-Michel Severino, le confirme, « la France n’a pas vu arriver le tournant africain ». Pourtant, « les potentialités sont énormes pour le commerce extérieur français » et notamment en terme d’emplois, explique l’ancien directeur de l’Agence française pour le développement (AFD).

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Des situations contrastées

Au delà du récit du renouveau africain, désormais assez convenu, tous n’étaient cependant pas au diapason. Paradoxalement c’est Lionel Zinsou, le PDG de PAI Partners et chantre de l’afroptimisme qui a tempéré l’enthousiasme. « Toute l’Afrique ne va pas au même pas » a nuancé cet habitué des débats médiatisés. Des réserves, partagées par une partie de l’assemblée. En cause notamment, des dispositifs fiscaux pas sufisamment élaborés et une inégalité des cadres juridiques réglementant l’épargne longue dans certains pays. La zone franc, en particulier, serait sous-equipée, rendant difficile la mobilisation de l’épargne pour l’investissement. Ainsi, le système de fonds de pension des retraites fonctionne par capitalisation en Afrique anglosaxonne, quand les pays francophones privilégient un système par répartition. « C’est absurde, car cette épargne est stérilisée plutôt que d’être investie en fonds propres » avance Lionel Zinsou. 

Et lui de continuer : « Rendez-vous compte, l’Afrique, c’est le PIB de l’Espagne mais divisé entre 54 pays ». L’idée a fait consensus, l’intégration régionale, c’est « un impératif », surtout pour les petits pays qui n’ont pas de marché propre, autant dire la plupart sauf le Nigéria et l’Afrique du Sud. Autres obstacles encore évoqués, les goulets d’étranglement dans les secteurs de l’énergie, l’éducation et la santé, freins à la croissance d’autant plus préoccupants dans un contexte de démographie galopante.

Paysage entrepreneurial chaotique

« Suivez la croissance des marchés de consommateurs, accompagnez des sociétés déjà matures, n’ayez pas peur d’être minoritaire, soyez diversifié, et enfin visez le long terme ». Tels sont les conseils aux futurs investisseurs de Luc Riggouzo cofondateur du fonds Amethis Finance. Mossadeck Bally, PDG de la chaîne hotelière Azalaï, invité pour parler des liens entre entreprises et fonds d’investissement, est optimiste. « Allez-y, malgré le paysage entrepreneurial chaotique » lance ce self-made-man aux jeunes africains présents dans la salle. A la fin, un ambassadeur enthousiaste se lève, prend la parole, « Vous êtes le bienvenue au Niger ! ».

Les ressources naturelles restent la principale attraction

Pour la conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), « le private equity en Afrique ne fait que démarrer en Afrique « . Dans son rapport 2013 sur l’investissement dans le monde, la Cnuced note un « intérêt pour le continent africain en progrès mais des niveaux de financement encore faibles ». Un nombre limité de pays (largement dominés par l’Afrique du Sud) attirent la grande majorité des fonds. Et ces derniers ne s’engagent que sur quelques secteurs. Les industries extractives, en particulier, tiennent toujours le haut du pavé avec 46 % des fusions acquisitions ces quatre dernières années. Mais, signe encourageant de diversification, le marché des consommateurs africain attire de plus en plus les investisseurs.

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